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— Alors ? lâcha M. Fogarty à son voisin de derrière, sans se retourner.
— Alors quoi ? demanda Noctifer.
— Vous avez quelque chose en vue ?
— Quel genre ?
— Pour tuer l’Empereur, Black. Vous avez des sortilèges d’illusion en réserve ? Des vyrs surnuméraires, peut-être ?
— Ha-ha. Je constate que vous avez ouï cette folle rumeur comme tout le monde, Gardien…
— Oui, mais moi, je l’ai entendue de source sûre.
— Dans ce cas, dommage que vous ne puissiez rien prouver, n’est-ce pas ?
— Je ne peux rien prouver dans l’immédiat, reconnut Alan. Mais si vous veniez à retenter votre chance…
— Retenter ma chance ? Pour quoi faire ? J’ai ceci !
Le chef des Fées de la Nuit tira un rouleau de parchemin de sous sa veste tandis que les prêtres entamaient une incantation puissante, leurs voix résonnant sous la haute voûte de la Cathédrale.
— Qu’est-ce que c’est ? demanda M. Fogarty.
— Une copie de l’acte signé par feu le regretté Apatura Iris, lorsqu’il s’est réveillé de son coma. L’acte demeure valable, même si l’Empereur n’est plus… et ne sera plus.
— Je ne doute pas de sa validité.
— Vous ne doutez pas non plus qu’il soit valable y compris pour son fils, je suppose. Souvenez-vous ! La clause cinq est formelle. Le Prince Pyrgus y est mentionné en toutes lettres. Dès qu’il sera couronné, il sera lié à son tour par ce traité.
— Voyons, vous vous emballez ! Laissez-le au moins jouir de son jour de gloire.
Noctifer rangea son parchemin et reprit, un sourire aux lèvres :
— Les temps vont changer, Gardien. Hélas, je crains que vous ne soyez pas assez longtemps des nôtres pour l’apprécier comme de juste…
Les psalmodies cessèrent soudain. Pyrgus s’assit sur le trône. Bleu prit place à sa droite. Podalirius versa un peu d’huile sacrée sur son pouce. Deux prêtres s’avancèrent. Ils portaient la couronne impériale, sertie d’améthystes et auréolée d’une lumière pourpre.
L’archimandrake traça un signe sacré sur la partie tonsurée du crâne de Pyrgus.
— J’oins la tête que Dieu a choisie pour porter la couronne ! proclama-t-il.
Le visage de Pyrgus resta impassible.
Du chœur de l’église, un chœur de femmes entonna une mélodie. Leurs voix claires, aiguës, parfaitement accordées, montaient et plongeaient comme des oiseaux goûtant leur liberté dans un matin de printemps. Un chœur d’endolgs, aux organes plus graves, se joignit bientôt à elles. Une procession de moines partit du fond de la Cathédrale et se dirigea vers l’autel en chantant avec la solennité requise. Les trois chœurs formaient un ensemble admirable. Henry n’avait jamais rien entendu de plus beau.
Podalirius prit la couronne impériale, la brandit devant l’assemblée puis la posa sur la tête de Pyrgus. Des éclairs bleus et pourpres apparurent. Aussitôt, un silence total se fit. L’archimandrake se tut quelques instants, puis il s’écria :
— Peuple, acclamez votre Empereur !