178
Au moment de frapper à la porte bleue qu’on lui avait indiquée, Pyrgus avait eu un éclair de lucidité. Ce qu’il s’apprêtait à accomplir était illégal, extrêmement dangereux et moralement défendu. Et néanmoins, il devait l’accomplir.
Depuis la mort de son père, il s’était attaché à faire bonne figure devant Holly Bleu, bien qu’il sût qu’il ne pouvait pas devenir empereur. Il en était incapable. Il n’était pas taillé pour ces responsabilités. Le conflit qui l’avait opposé à son père était parti de là. Apatura avait toujours voulu qu’il se comportât en Empereur héritier ; et Pyrgus n’en avait jamais éprouvé le désir. Jamais. Lui rêvait d’une vie normale. Celle qu’il était venu chercher ce soir.
Il frappa. Attendit.
Aucune réaction.
Il allait frapper derechef lorsqu’il entendit des bruits dans la maison. Quelqu’un approchait à pas lents, mesurés. Le Prince retira sa main, le cœur battant.
La porte s’entrouvrit. Deux yeux noirs luisants le fixèrent dans les ténèbres.
— Êtes-vous… Pheosia Gnoma ? chuchota-t-il dans un filet de voix.
— Oui, susurra son interlocuteur.
La voix craquait à la manière de feuilles mortes écrasées.
— Entrez, Majesté, continua Gnoma. Nous vous attendions…