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Qu’avait-il fait ?
Pyrgus avait encore deux semaines pour agir. Le temps qui le séparait de la cérémonie du Couronnement. Après, il ne pourrait plus revenir en arrière.
Personne ne savait ce que cela représentait pour lui. Personne n’avait la moindre idée de ce qu’il éprouvait. Ni Henry, ni M. Fogarty, ni même Holly Bleu. Chacun s’attendait à ce qu’il remplît ses devoirs sans broncher. Ils avaient tous décidé pour lui qu’il avait envie d’être empereur. Mais sa peur, pas un ne l’avait devinée.
Même si cette peur n’était rien en regard de la terreur qu’il avait éprouvée depuis qu’il était entré dans cette maison.
Oui, qu’avait-il fait ?
Bien sûr, il ne pouvait pas devenir l’Empereur pourpre. D’ailleurs, ce n’est pas qu’il ne voulait pas. Juste qu’il en était incapable.
Sans compter qu’il détestait la politique. Il détestait les mensonges et les trahisons. Le double jeu et la corruption. L’hypocrisie et les coups de bluff. Et il savait qu’on ne survivait pas à la tête d’un État sans ces astuces. Son père – cet homme que, en dépit de leurs différends, Pyrgus estimait digne et honorable – s’était parfois compromis dans des actions discutables. Ce qui était une qualité. L’histoire avait montré qu’il avait eu raison de s’y plier. Le Prince se connaissait assez pour être certain que lui n’y serait pas parvenu. Quel qu’eût été le prix à payer. Il se serait arc-bouté sur ses principes sacro-saints… et, ainsi, il aurait coulé le Royaume.
Non, il n’était pas capable de mettre ses pas dans ceux de son père.
Ces pas qui, précisément, arpentaient le couloir et approchaient.
Ç’avait été un moment très particulier. Pyrgus n’avait pas douté que Gnoma sût ressusciter les morts. Il était venu pour cette raison. Pour cette raison, il avait subtilisé le cadavre de son père.
Mais, en même temps, il n’y avait pas cru. Les morts sont morts. Point final. Si l’on annule leur sortilège de conservation, les cadavres pourrissent, se transforment en squelettes puis retombent en poussière. Pas moyen d’échapper à ce destin. Pas d’incantation magique pour éviter ce sort.
Mais, en même temps, il y avait cru. Puisqu’il était ici. Et il avait eu raison : quelque chose approchait.
Les bruits de pas pouvaient être ceux de Gnoma venu admettre son échec, avec plein d’excuses et d’excellentes raisons pour garder son salaire.
Pyrgus, assis sur une souche, dans la pièce où Gnoma le faisait attendre, s’était crispé.
Enfin, la porte s’était ouverte. Et Apatura Iris était entré.