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Il existe un mot de passe spécifique pour freiner l’ouklo impérial. Pas suffisant pour permettre de contrôler le véhicule ; mais capable de l’arrêter en cas d’urgence. Et permanent, car associé à l’appareil dès sa construction (donc impossible à changer). Pyrgus en était sûr. Mais il ne se souvenait plus de la formule !
Une lame siffla à ses oreilles et fila se ficher derrière lui. Le combat féroce continuait. Pyrgus devait agir.
S’il parvenait à arrêter le convoi, deux événements se dérouleraient simultanément :
1) les soldats poursuivraient leur route sans s’arrêter, et abandonneraient – ne serait-ce qu’un moment – l’ouklo ;
2) pendant ce temps, Holly Bleu, M. Fogarty et Pyrgus pourraient s’enfuir à pied.
Le paysage sauvage qu’ils traversaient regorgeait de cachettes. Dans la confusion, les exilés avaient une chance – peut-être même une bonne chance – de prendre la poudre d’escampette.
À condition de retrouver le mot de passe du frein.
Pyrgus se creusait les méninges quand il perçut un bruit étrange. Il se pencha sur le côté et s’aperçut que les ennemis étaient passés à la vitesse supérieure. Un sbire de Noctifer avait abandonné son disque volant pour atterrir sur l’ouklo. À présent, il rampait avec précaution vers le Prince.
Pyrgus n’avait pas voulu faire de mal au convoyeur. Mais face aux tueurs envoyés par son pire ennemi, il n’aurait pas ce genre de scrupule. Il dégaina la dague qu’il portait à la ceinture, s’extirpa de la cabine, se jeta sur l’homme…
… et découvrit que c’était une fille.
Le jeune homme faillit en perdre sa dague. Le soldat – enfin, la soldate – était svelte. Et très jolie. Pyrgus ignorait que Noctifer utilisait des fantassins dans son armée. Qui plus est des fantassins avec d’aussi beaux yeux violets. Il était encore en train de l’admirer quand il éprouva une douleur atroce à l’entrejambe, où son adversaire venait de projeter son genou.
La souffrance lui fit lâcher prise. Il savait qu’il devait tenir sa lame, serrer sa poigne dessus, se jeter sur son adversaire et lui trancher la gorge. Sinon, il allait mourir. Après s’être fait justice, il pourrait crier et pleurer. Pas avant. Il le savait ; et cependant, il abandonna sa dague et s’effondra dans un hurlement d’agonie.
La fille donna un petit coup de matraque sur l’oreille gauche de Pyrgus. L’instant d’après, tout devint noir.