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— Arrête de me MENTIR ! cria Bleu. Je n’ai pas dormi de la nuit, je suis allée voir cette HORREUR de Blafardos, et je n’en peux plus de tes MENSONGES !
Pyrgus ne réagit pas tout de suite. Pourtant, il avait l’air mieux que quelques heures plus tôt. Son bras était bandé. Sous sa chemise, son torse aussi était bardé de pansements. Il semblait cependant avoir récupéré. Seuls deux grands cernes noirs laissaient supposer qu’il n’avait pas beaucoup dormi, lui non plus.
— C’était très… très confus, lâcha-t-il. Qui peut prétendre se souvenir de ce qui s’est passé pour de bon, chez Noctifer ?
— Comma, par exemple, répondit sa sœur.
— Que t’a-t-il dit ?
— Que tu avais… que tu avais coupé la…
La Princesse n’acheva pas sa phrase. Elle s’assit. Epuisée par la nuit précédente, elle était à bout de nerfs.
— Tu le crois ? demanda son frère.
— Non. Heureusement. J’espère qu’il m’a menti… Mais Blafardos… Pourquoi m’a-t-il menti, lui ?
— Parce que je lui ai promis de lui rendre sa liberté s’il oubliait ce qu’il savait, déclara Pyrgus.
— Je ne comprends pas.
— Pour qu’il ne me fasse pas chanter, j’aurais dû le tuer. Et j’en avais assez de jouer avec la mort.
— Je… je ne comprends toujours pas.
— Ce n’est pas Noctifer qui a ressuscité Papa. C’est moi.
Bleu fixa son frère. Il plaisantait. Il plaisantait forcément.
Entre Comma qui l’accusait de l’avoir tué et lui qui s’accusait de l’avoir ressuscité, il y avait de quoi se perdre !
— Ça non plus, je ne le crois pas, déclara-t-elle d’une voix tremblante.
— J’avais peur de devenir empereur, murmura Pyrgus. Tu sais à quel point je suis nul pour la politique, les négociations, la diplomatie… Je serais incapable de mener l’armée à la bataille. Détruire une usine de colle abandonnée, oui, c’est à mon niveau. Une vraie bataille, non. Le Royaume tomberait en lambeaux si je devenais empereur. Je ne suis pas à la hauteur de Papa. Les Fées de la Nuit en profiteraient pour tenter de s’emparer du pouvoir. Il y aurait des guerres, le chaos partout…
— Donc tu as ressuscité Papa ?
— Je n’avais pas d’autre idée pour sauver le Royaume.
— Arrête avec les grands mots ! C’est illégal ! C’est horrible ! C’est interdit !
Pyrgus baissa la tête.
— Je ne suis pas fier de moi, avoua-t-il.
— On s’en moque, de ta fierté ! rugit sa sœur. Comment as-tu pu ? Comment…
Elle s’arrêta et posa la question qui s’imposait :
— Comment as-tu réussi ?
— Je suis allé voir un nécromancien.
— Une Fée de la Nuit ?
— Oui. Il n’y a qu’elles qui…
— Tu es fou, lâcha-t-elle.
— Je sais.
— Non, tu ne sais pas. Que tu veuilles ressusciter Papa, déjà, c’était fou. Mais que tu ailles solliciter une Fée de la Nuit pour le faire, alors qu’un nécromancien est le seul à pouvoir contrôler les zombies qu’il a réveillés… c’est de l’inconscience ! Tu devais te douter que ça ne pouvait pas bien finir, non ?
Pyrgus acquiesça, sans piper mot.
— Raconte, exigea Holly Bleu. Raconte tout.