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Sulfurique s’arrêta et inspira une grande bouffée d’air pollué. Il avait toujours aimé l’odeur – l’infection, en fait – qui se dégageait de la ville. Ces relents de sueur et de linge sale, cette pointe âcre qu’ajoutaient les remontées d’égout… On ne les retrouvait nulle part ailleurs. Un résultat exclusif obtenu par trois cent vingt-deux mille sept cents âmes parquées dans un délicieux labyrinthe d’allées sombres bordées de logements insalubres. Unique. Tout simplement unique.
Une procession de bateleurs serpentait dans les rues encombrées. Le vieillard s’immobilisa pour profiter des gesticulations des danseurs et des jongleurs aux allures patibulaires. « Des Fées de la Nuit, eux aussi », observa-t-il, ravi. Jamais, par le passé, un tel défilé n’aurait pu avoir lieu en dehors des districts contrôlés par les Fées de la Nuit.
Il poursuivit sa route par le quartier du Havre du Marin – un dédale de chemins tortueux qui conduisait vers le fleuve. Il marcha lentement le long du quai, examinant les pontons jusqu’à ce qu’il trouvât un passeur convenable. Il ne trouva qu’un ruffian costaud et mal rasé. Avec son châle de démonologue pourvu de l’insigne cornu, Sulfurique ne craignait pas grand-chose. On réfléchissait à deux fois avant d’agresser des Fées arborant ces marques.
C’est vingt-sept écus, grogna l’homme.
Mais il ne protesta pas quand Sulfurique ne lui en tendit que six.