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« Quel bonheur d’être un homme libéré ! » s’extasia Blafardos.
Pas seulement libéré de prison – même si c’était un bonus non négligeable ; libéré surtout de trop de responsabilités. Avec un peu de chance, Noctifer allait le laisser tranquille. Il aurait sans doute assez à faire avec le Royaume.
Blafardos se gratouilla l’oreille gauche en pensant qu’il serait peut-être plus prudent de changer de nom (il envisageait de s’appeler Jasper Faucon de la Glue) ; à part ça, il pouvait aller où bon lui chantait. Vendre sa propriété. Utiliser cet argent pour prendre un nouveau départ. Pourquoi pas retrouver Sulfurique.
Le vieillard était insupportable, horripilant, odieux ; il fricotait à l’excès avec les démons. Néanmoins, il fallait lui reconnaître une qualité qui rattrapait ses défauts : il avait un sens inouï du commerce. Important, pour un partenaire.
Surtout quand on avait l’esprit de revanche chevillé au corps comme Blafardos. Tel un phénix, l’entrepreneur avait hâte de renaître de ses cendres et faire blêmir de jalousie ceux qui l’avaient méprisé quand il avait tout perdu.
Mais, avant cela, Blafardos allait se débarrasser de cette saleté de ver. Il lut devant lui la discrète plaque de cuivre apposée sur la clinique :
Blafardos était déjà venu ici lorsqu’il avait dû résoudre un petit problème contracté dans un salon de tatouage. Les frais de séjour étaient exorbitants, ce que justifiaient un personnel très compétent et une discrétion irréprochable. Bref, l’établissement du Docteur Vaporisateur était l’endroit idéal pour se débarrasser sans douleur et en un rien de temps d’une créature gênante.
L’homme tendit la main vers la sonnette. Mais son bras se figea en cours de route. Cyril l’avait empêché d’aller plus loin.