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Le commando conduit par Pyrgus amorça un virage… et une lumière vive les éblouit. Le globe lumineux qui flottait devant Nymphe était devenu inutile. Pyrgus et Nymphe dégainèrent, cependant que Comma jubilait :
— Je vous l’avais dit ! Je vous l’avais bien dit !
Quand leurs yeux s’habituèrent, les aventuriers constatèrent que, en effet, ils étaient dans une salle de contrôle. Aucun doute là-dessus.
Pourtant, Henry n’en avait jamais vu de pareilles. Des liquides multicolores coulaient dans des batteries de tuyaux transparents. De gros boîtiers métalliques étaient alignés contre un mur, chacun muni d’un interrupteur ou d’un levier.
Dans un coin, un vaste bureau formant un arc de cercle ressemblait à une table de régie : des rangées de boutons, de curseurs, de diodes qui clignotaient, passant du vert au rouge, de compteurs où oscillait une aiguille, de cadrans où défilaient des chiffres lumineux… Au-dessus s’alignaient de nombreux écrans qui, connectés à l’équivalent féerique des caméras de surveillance, affichaient des morceaux du labyrinthe. L’un d’eux, remarqua Henry, montrait l’escalier béant dont il avait déclenché l’effondrement en tirant sur l’attache-torche.
— Tu avais raison, lança Pyrgus à Comma. C’était un tunnel de service.
— Et voilà la salle de contrôle…, murmura Holly Bleu, fascinée. Nous pourrions saboter toute l’installation de Noctifer !
— Je te le déconseille, dit Nymphe.
La mine furieuse, la Princesse pivota vers la soldate :
— T’en as pas ras le bol de me contredire systématiquement ?
Nymphalis haussa les épaules :
— Je ne suis pas sûre de te contredire systématiquement. Mais, en l’occurrence, je pense qu’il vaudrait mieux ne pas jouer avec le feu.
— Je crois qu’il y a quelque chose, là-bas…, signala Henry.
Il venait d’apercevoir un mouvement, dans l’ombre, entre deux boîtiers métalliques. Une pensée effrayante le saisit : et s’ils s’étaient laissé berner par les apparences ? S’il ne s’agissait pas d’un tunnel de service ? S’ils étaient tombés dans une autre partie du labyrinthe, propre au domaine de Noctifer, destinée à rendre dingues les joueurs qui croyaient trop vite en avoir fini ? Le moindre bouton, ici, le moindre levier, risquerait de déclencher un piège à l’intérieur même de cette fausse salle de contrôle (en supposant que c’était bien cela…). Des monstres pouvaient se dissimuler derrière les tuyaux ou dans chaque boîtier ! Henry serra la garde de son épée pour se rassurer. Sans grand effet : une arme, quand on est incapable de s’en servir, à quoi bon ?
Les autres membres du commando avaient suivi son regard. Un bref instant – quoi qu’il eût paru fort long à Henry – il ne se passa rien. Le garçon craignit d’avoir laissé vaguer son imagination. Il était très tendu, après tout. Peut-être que…
— Il y a quelque chose dans ce coin ! confirma soudain Bleu.
— En effet, souffla Nymphe qui avança d’un pas de manière à se placer entre la forme et Pyrgus… qui contourna sa garde du corps.
— Qu’est-ce que ça peut bien être ? demanda Comma avec gourmandise.
En dépit des accidents mortels de Ziczac et d’Ochlodes, il avait traité ce labyrinthe comme un jeu ; et, cette fois encore, il ne semblait pas le moins du monde effrayé.
— On dirait une araignée géante, suggéra Henry.
Mais quand la chose émergea de l’obscurité, il comprit qu’il ne s’agissait pas du tout de ça.