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Henry avait l’impression que M. Fogarty parlait à son oreille gauche, faute de pouvoir localiser ses interlocuteurs invisibles.
— Erreur d’identité, grognait-il. Une banque a été attaquée, et un employé a cru me reconnaître quand on lui a présenté un fichier d’anciens braqueurs.
Bleu réapparut aux yeux du Gardien alors qu’ils arrivaient chez lui.
— Pourquoi Henry n’est pas bien ? demanda-t-elle.
— À cause de ses vêtements.
— Qu’est-ce qu’ils ont, mes vêtements ? s’enquit l’intéressé, qui commençait à aller un peu mieux.
— Sûr que ta chemise est en fibres synthétiques… Ces fibres entrent en conflit avec l’énergie libérée par le cône de sortilège. Elles créent une sorte de résonance qui donne la nausée.
— Donc s’il change de chemise…
— Il ira mieux. Tiens, on peut essayer. Enlève ta chemise, Henry, et brisons un nouveau cône pour vérifier.
— Euh… un instant ! objecta le garçon.
Il n’y avait pas que sa chemise. Son pantalon aussi était en synthétique. À la rigueur, il pouvait l’enlever. Mais son caleçon n’était pas en laine non plus…
Par chance, Bleu lui épargna d’entrer dans les détails :
— On verra plus tard, Gardien. Il faut que nous rentrions de toute urgence au Royaume, vous et moi.
— Qu’est-il arrivé ?
— La dépouille de mon père a disparu. Et un complot se trame pour assassiner Pyrgus.
— Pfff… C’est r’parti…
Il inspira un coup et expira à fond.
— Bon, tu as raison, lâcha-t-il. Faut y aller. Tu viens avec nous, Henry ?
— Ben, je dois d’abord passer à la maison, récupérer de la nourriture pour Hodge. Et inventer une excuse pour justifier mon absence.
— Alors, file, conclut le Gardien, et rejoins-nous là-bas avec le transporteur que je t’ai laissé.
Il se dirigea vers la porte de sa maison, accompagné de Bleu. Au dernier moment, il sortit une petite boîte de sa poche et la tendit à Henry.
— Pas d’habits synthétiques quand tu te serviras de ça, l’avertit-il.
— C’est quoi ?
Le vieil homme lui décocha un petit sourire – très rare, chez lui – et murmura :
— Un cadeau pour ta mère.