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M. Fogarty exulta en voyant les Fées de la Forêt partir au combat. Cette armée était formée des tueurs les plus efficaces qu’il eût jamais croisés. Le plus étrange, c’est que personne ne paraissait donner d’ordres à quiconque. Et pourtant, chacun savait exactement ce qu’il avait à faire. Le flot de fées coulant de la forêt se sépara en deux fronts. L’un se chargea des ultimes défenseurs de Noctifer ; l’autre affronta les démons. Cependant, au lieu de pratiquer un affrontement au corps à corps, ils restèrent à distance, se contentant d’arroser leurs adversaires d’une pluie de flèches et d’éclairs elfiques. Après un moment de flottement, les derniers serviteurs de Noctifer ainsi que de nombreux démons commencèrent à tomber.
La bataille prit alors un autre aspect. Les démons, sentant le vent tourner, se regroupèrent et firent face à leurs nouveaux ennemis. Ces créatures ressemblaient à des insectes. Elles donnaient l’impression d’ignorer la peur. Certaines s’effondraient ? D’autres se dressaient, insensibles à l’averse de flèches et d’éclairs. Brusquement, un groupe de Fées de la Forêt tenta une percée vers le portail.
— Bonne idée, estima Mme Cardui, qui avait rejoint l’ex-Gardien. En détruisant le portail, impossible pour les renforts d’arriver.
Les démons étaient parvenus à une conclusion identique. Un contingent important des troupes de Hael se détacha pour anihiler cette tentative. Avec succès : des uniformes verts tombèrent en masse, remplacés par d’autres. Mais de nouveaux démons émergeaient aussi du portail. Plus massifs que les précédents. Mieux armés. Avec des protections plus solides. L’un d’eux brandissait une énorme baguette à feu. Un éclair elfïque enflammé l’atteignit à l’œil droit au moment où il s’apprêtait à tirer, coupa son crâne en deux et continua son chemin… jusqu’à le terminer dans un bosquet qu’il incendia sur-le-champ.
— Cléo ne va pas apprécier ! murmura Fogarty.
L’ex-Gardien aurait aimé se jeter dans la mêlée. Ce qui le surprenait. Quand il avait été soldat – presque soixante ans plus tôt ! – il n’avait jamais cherché à se battre. Étrange nature humaine… à présent qu’il n’était plus vraiment en état de le faire, il en avait le désir. Le grand âge est terrible : il donne des idées courageuses qu’il empêche de mener à bien.
Alan avait eu raison : la Reine n’avait pas apprécié l’incendie. Elle avait décidé de passer à la vitesse supérieure. Le flot de Fées de la Forêt devint un torrent impétueux divisé sur trois rives.
La première était constituée de fantassins qui se ruèrent sur la horde de démons, pendant que des archers, postés en surplomb, arrosaient ces mêmes cibles d’une nuée de flèches.
La deuxième était formée par une équipe spéciale qui avait couru sous les arbres en flammes, craquant des cônes de sortilèges de suffocation pour éteindre l’incendie.
La troisième comprenait l’avant-garde partie à l’assaut du portail et des renforts nombreux. M. Fogarty remarqua que trois importantes équipes de sorciers les accompagnaient, entourées de gardes du corps.
Ce qui se passa ensuite fut très difficile à suivre. Les Fées de la Forêt parvinrent à faire sauter le portail sans la moindre flamme. Des fragments de la structure volèrent soudain en éclats et retombèrent dans une pluie de sang et des lambeaux de démons que l’explosion avait soufflés. Privés de renforts, les démons qui restaient sur le champ de bataille furent bientôt hachés menu par la furie des Fées de la Forêt. Quelques minutes plus tard, tous les monstres avaient trépassé.
Des soldats de la Forêt s’avancèrent pour détruire la demeure de Noctifer. Alan et Cynthia s’approchèrent du théâtre des opérations. Des morts et des mourants, il y en avait partout. Mais, déjà, des équipes de fées nettoyaient le terrain pour faire disparaître les traces de ce qui s’était passé.
La Femme peinte s’éclaircit la gorge et lança :
— Hum… mon cheeer, ne serait-ce pas le Prince que j’aperçois là-bas ?
M. Fogarty chercha la silhouette de Pyrgus et se raidit. Le jeune homme était étendu sur l’herbe. Ses habits étaient couverts de sang. Deux silhouettes étaient penchées au-dessus de lui : Bleu et… oui, c’était Henry ! Derrière eux se tenait Nymphalis, l’arc à la main à la manière des gardes. Et, aux pieds de Henry, un endolg était couché.
— PYRGUS ! cria l’ex-Gardien en courant vers son protégé. Le garçon parvint à ouvrir les yeux et à décocher un petit sourire :
— C’est rien… Juste quelques éraflures…
— Vous savez où on peut trouver un Guérisseur, Gardien ? demanda Bleu.
— Je vais en dénicher un.
— Faites aussi sortir Comma de la maison avant qu’ils ne la détruisent.
— D’accord.
— Et…
La jeune fille hésita, puis réussit à dire :
— Le corps de mon père se trouve là-dedans. J’aimerais qu’on le ramène au palais pour l’enterrer décemment.