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Le Prince des démons paraissait pourtant plus en forme que lorsque Sulfurique l’avait vu pour la dernière fois.
Ce qui, à l’évidence, n’était pas une bonne nouvelle pour Sulfurique. La corne brisée du monstre avait repoussé. Sa peau avait pris une teinte rouge vif, comme si ses entrailles avaient été en feu. Le monstre semblait aussi avoir encore grandi. Et il avait des serres. C’était nouveau. Silas en était sûr.
— Honorius n’avait pas prévu que tu resterais sous ta forme spectaculaire, expliqua-t-il pour justifier la taille de son portail. Ou alors, il n’en a pas tenu compte…
— Tant pis, grommela le démon en s’étirant voluptueusement. Ton engin est petit, mais il fonctionne. L’essentiel est là.
— Donc on est quittes ? s’empressa de demander Sulfurique. Je peux m’en aller ?
Il ne l’aurait jamais avoué en public, mais il ne se sentait pas si bien que ça dans le Monde analogue. De nombreux principes magiques n’y fonctionnaient pas. Or, sans magie, qu’était-il ? Un vieillard impuissant. À la merci du premier venu. Si incroyable que cela semblât, ici, l’argent de Beleth avait un effet plus impressionnant que les rituels ancestraux de magie noire. Et beaucoup d’habitants paraissaient délirants. Rares étaient ceux qui respectaient et craignaient les grands sorciers.
Sulfurique était pressé d’abandonner les habitants du Monde analogue à leur sort et de ne pas avoir à s’occuper dans le détail de ce que Beleth comptait faire subir aux New-Yorkais.
— Quittes ? demanda le Prince des démons.
Sa voix grave rebondit d’une paroi à l’autre. Silas se crispa. Les ennuis allaient recommencer. La preuve : le monstre souriait.
— Non, non. Nous ne sommes pas quittes, Silas. Loin de là…