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Sulfurique commençait d’être sérieusement incommodé par les flammes quand le prêtre lui indiqua de s’arrêter à quelques pas du brasier.

— Placez vous côte à côte ! lança-t-il d’une voix forte.

Il se pencha à l’oreille du vieillard pour ajouter :

— Et essayez de faire semblant de passer un bon moment…

Sulfurique se contenta de le foudroyer du regard. Puis il se tourna vers sa promise pour la gratifier d’un bref sourire mielleux et hypocrite. Elle lui rendit son rictus avec enthousiasme. « Cinq maris ! pensait le vieillard. Elle a eu cinq maris ! Si elle les a tous tués, elle a dû récupérer une fortune ! » Ce mariage pouvait se révéler très profitable.

— Mes amis, annonça le prêtre en jetant un œil aux spectateurs professionnels qui ne semblaient guère amicaux, nous sommes réunis ici pour célébrer le blablabla de patati patata et ainsi de suite avec de la rhubarbe, etc… ah-hum.

Sulfurique ouvrit de grands yeux.

— Votre dulcinée a estimé que l’intégrale de la cérémonie coûtait trop cher, lui souffla l’officiant. Si vous voulez payer…

— Non, continuez, répondit le vieillard.

— Dans ce cas…

L’homme reprit avec vigueur :

— Nous avons entendu les textes et la bénédiction nuptiale. Passons à présent au mariage proprement dit, à travers le rituel symbolique. La fiancée, comme vous pouvez le constater, porte un cactus à la main. Ses épines symbolisent les difficultés et les marques d’adversité auxquelles les époux sont confrontés dans leur vie commune. Un couple qui ne survit pas aux épines de l’existence n’est qu’une cymbale retentissante. Je demande donc à la future épouse de présenter ces épines à son futur époux. En acceptant ce don, l’homme s’engage solennellement à supporter les épines de la vie avec elle, maintenant et pour les siècles des siècles, ah-hum.

« Compte là-d’sus et bois d’l’eau », pensa Sulfurique en veillant à attraper le cactus par le pot.

Les spectateurs professionnels applaudirent mollement.

— Tenez-le plus haut ! exigea le prêtre.

Sulfurique éleva la plante au-dessus de lui. Cette fois, la veuve Mormo en personne applaudit, pendant que son époux continuait de penser en boucle : « Cinq maris ! Incroyable ! Cinq maris ! Elle ! Et je suis le sixième ! » Ce n’était sans doute pas un record, mais cela restait une sacrée performance. Surtout pour quelqu’un d’aussi horripilant que la Veuve.

L’une des nymphes se précipita pour libérer Sulfurique de son pot. Elle avait le corps maigre et le regard perdu des drogués devenus accros à la musique simbala* ; cependant, elle était encore assez lucide pour réclamer un petit quelque chose. Sulfurique lui remit une pièce de monnaie. La nymphe s’éloigna, les sourcils froncés.

— Encore un truc, et c’est bon, murmura l’officiant.

Puis, à haute voix :

— J’appelle maintenant tous ceux qui connaîtraient une raison susceptible d’empêcher le mariage de la fiancée ici présente d’être prononcé. Qu’il parle maintenant ou se taise à jamais !

« On va voir si l’un de mes cinq prédécesseurs a survécu », ironisa Sulfurique.

Le prêtre fixa le plafond un long moment ; aucun spectateur professionnel ne pipa mot. Alors, l’homme prit le bas de son aube à la main (on aurait cru qu’il se préparait à sortir en courant) et déclara :

— J’appelle maintenant tous ceux qui connaîtraient une raison susceptible d’empêcher le mariage du fiancé ici présent d’être prononcé. Qu’il parle maintenant ou se taise à jamais !

Ce fut au tour de Sulfurique de fixer le plafond. Plus qu’une pause minimale à respecter, les formalités administratives à expédier, et après, zou ! direction les bois pour tuer la vieille.

Un beau mariage, en vérité…

L'Empereur pourpre
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