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« Encore heureux que Bleu et Pyrgus n’aient rien remarqué ! » se répétait M. Fogarty.
Il n’en revenait pas de s’être comporté comme un idiot avec Mme Cardui. Il s’en voulait. C’était ridicule d’avoir ce genre de réaction à son âge. À n’importe quel âge, d’ailleurs. Bien qu’il ne se souvînt pas d’avoir éprouvé ça par le passé. Même quand il était un gamin pleurnichouillant à cause d’un amour de vacances « éternel »… dont il avait tout oublié aujourd’hui.
Et même quand, vers vingt ans, il avait rencontré Miriam, la femme qui était devenue la sienne, ce qu’il avait éprouvé n’avait pas été désagréable, loin de là, mais soyons sérieux : rien de comparable avec ce qu’il éprouvait en ce moment.
Il devait donc se poser une question : qu’allait-il faire de cette émotion ?
S’il avait eu dix-sept ans, l’âge qu’il avait l’impression d’avoir (tout en sachant qu’il en avait soixante-dix de plus), il n’aurait pas hésité une demi-seconde : il se serait jeté sur Mme Cardui comme la misère sur le quart-monde et il l’aurait poursuivie, rattrapée, embrassée jusqu’à ce que les oreilles lui en tombassent ; s’il s’était avéré qu’elle était avec quelqu’un – même son mari – il aurait battu cet importun comme plâtre et n’en aurait laissé que de la menue poussière.
Hélas, il n’en était pas question. Évidemment. Il était Gardien, à présent. N’avait jamais eu un poste aussi respectable. Une responsabilité aussi considérable. Pas le moment de se disperser. Sans compter qu’il avait quatre-vingt-sept ans. Il était loin, le temps où il pouvait battre comme plâtre quiconque lui résistait. Sauf s’il se munissait d’une batte de cricket.
N’empêche, il espérait que Cynthia n’avait pas une histoire avec son nain.