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— Je vais le tuer ! promit Bleu dès qu’ils se retrouvèrent seuls.
— Il n’est qu’un enfant, dit M. Fogarty. Il pense qu’être empereur lui donnera des super-pouvoirs.
— J’ai peur que Noctifer ne s’en débarrasse sans tarder, intervint Pyrgus. Il n’acceptera jamais de renoncer à son pouvoir de régent.
— Tant mieux, ça m’évitera de devenir une meurtrière, marmonna sa sœur.
Ils étaient assis dans un ouklo du palais – un énorme carrosse doré, garni de sièges confortables couleur pourpre. Le véhicule flottait à altitude toujours égale et à vitesse réduite. Autour, des hommes casqués, en armure, sur leurs flotteurs individuels, concentrés sur leur tâche : s’assurer que les bannis quittaient effectivement le Royaume.
— Vous êtes déjà allés à la frontière Haleklind ? demanda M. Fogarty.
— Moi, oui, annonça Pyrgus, le visage tourné vers la fenêtre. J’y ai vécu quelque temps.
— C’est comment ?
— Vallonné. Rocailleux. Aride. Pas très accueillant. Il y a des troglodytes.
— Des quoi ? grogna Bleu.
— Des gens qui vivent dans des grottes, traduisit le Prince. Mon père s’entendait bien avec leurs chefs. Ils devraient nous offrir un endroit confortable où nous installer.
— On ne restera pas, prévint sa sœur.
— Non. Bien sûr que non…
— Qui gouverne ? voulut savoir M. Fogarty.
— La Maison des Halek. Il n’y en a pas d’autre, là-bas.
— Ils nous aideront à reprendre le pouvoir ?
— Hum, j’en doute, murmura Pyrgus. Dans tous les cas, ils ne feraient pas le poids face à l’Armée impériale.
— Ils vivent dans un trou perdu, expliqua Bleu. C’est pourquoi mon père n’a jamais pris la peine de les intégrer au Royaume. Ils n’en valent pas la peine.
— Pourquoi es-tu allé là-bas, Pyrgus ? s’étonna M. Fogarty.
— Je voulais me fabriquer un couteau halek, répondit l’intéressé. Une arme qui tue à tous les coups.
— Tu ne pouvais pas en acheter un ?
— Je n’avais pas assez d’argent. En plus, les Haleks mettent des siècles à en fabriquer un. Sans parler de leurs sorciers : ils sont les meilleurs, mais ils n’aiment pas se dépêcher. Et s’ils sentent que tu es pressé, ou si tu as le malheur de les bousculer, ils ralentissent.
— Mais ils pourraient nous aider ?
— Les sorciers ? Oui. Ils sont très puissants. Il suffirait qu’on leur propose un plan…
M. Fogarty opina, puis s’enfonça dans son fauteuil et ferma les yeux.