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Sulfurique se figea. Il savait qu’il avait oublié quelque chose : de planter un pieu dans le cœur de sa victime.
Les corbeaux volaient en cercles au-dessus de sa tête en croassant à qui mieux mieux. Trop tard. Quelqu’un arrivait.
Silas n’avait pas le temps de rectifier son erreur. Le nouveau venu était trop proche. Pas le moment d’être surpris devant la tombe fraîche de son épouse, en train de lui ficher une branche en pleine poitrine. Surtout que la thèse de l’accident ne tiendrait pas longtemps la route : on voyait bien la marque du coup sur le crâne enfoncé de cette pauvre Maura. Et son cerveau qui lui sortait du nez risquait de faire mauvaise impression.
Il attrapa la pelle et se dépêcha de recouvrir le corps. Épuisant. Mais sa vie à lui était en jeu. Les corbeaux, ces imbéciles, semblaient devenus fous. Toutefois, le vieillard constata avec soulagement que jeter de la terre dans un trou était moins long que de creuser. Il se débarrassa de la dernière pelletée et regarda autour de lui, constatant les dégâts. Impossible de dissimuler qu’il venait de travailler la terre sous un chêne pour creuser un trou allongé d’environ un mètre cinquante de long. Autant mettre un panneau :
C’est alors qu’il eut une idée : des feuilles mortes !
Des feuilles mortes pour cacher une femme morte ! Excellent !
Il ramassa une pleine brassée de feuilles et les dispersa sur la tombe. Il reviendrait plus tard planter son pieu. Il avait le temps. Sa nouvelle vie commençait à peine.
Cependant, il était loin d’avoir fini son travail de diversion quand une étrange lumière bleue l’éblouit. Quelque chose d’immense et de hideux se dressait dans la clairière. Sulfurique leva les yeux. Et cessa de respirer.
À cinq pas de lui se tenait Beleth, Prince des Ténèbres et des Démons.