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Sans consulter Pyrgus, Bleu avait rejeté l’idée de partir avec des troupes plus nombreuses. L’envoi de soldats en masse risquait de déclencher une guerre civile et d’inciter la population à soutenir les Fées de la Nuit contre les envahisseurs. Mieux valait s’en tenir à un effectif plus modeste pour former le commando destiné à enlever Apatura Iris. L’objectif : l’aider à échapper au contrôle de Noctifer. Ensuite ? Eh bien… on verrait.
L’essentiel, c’était l’effet de surprise. Donc la vitesse d’exécution. Une fois l’opération déclenchée, il faudrait dénicher l’Empereur pourpre sans tarder. Pyrgus était optimiste. Quand ils seraient dans le palais, ils trouveraient de l’aide. Parmi les domestiques, la plupart n’avaient dû se résoudre à obéir à Noctifer que par raison ou par peur. Dans leur cœur, ils étaient sans doute restés fidèles à celui qui aurait dû être leur nouveau monarque.
Mais comment entrer dans le palais ? Pas question de prendre la navette qui traversait le fleuve jusqu’à l’île. Ni Pyrgus, ni Bleu n’avaient assez confiance dans leurs sortilèges d’illusion personnels ; et, sans sortilèges d’illusion, ils seraient reconnus aussitôt. Les gardes chargés de la sécurité du palais ne feraient pas de quartier.
Résultat, pour le moment, les sept membres de l’expédition étaient accroupis dans le lit de roseaux situé à deux cents mètres environ du gué officiel.
— J’espère que tu sais nager, chuchota Pyrgus à Nymphe avec un petit sourire.
— Très drôle, Prince couronné, lui répondit-elle sur le même ton. Cléopâtre l’a promis, tu traverseras à pied sec.
Le jeune homme remarqua alors deux choses :
1) Nymphe ne l’appelait jamais par son prénom, lui préférant son titre officiel qu’elle prononçait avec une emphase ironique ;
2) elle avait de très jolies jambes, bien mises en valeur par le short court et moulant qui constituait le bas de son uniforme.
La soldate tira un curieux filet du sac qu’elle portait à la ceinture. Elle le lança dans la rivière comme si elle avait envisagé d’attraper du poisson. Cependant, entre le moment où la jeune fille lâcha l’objet et celui où il retomba sur la surface de l’eau, le filet se transforma en transporteur – c’était une version réduite des véhicules collectifs que les Fées de la Forêt utilisaient sur leurs autoroutes aériennes. Il aurait dû être balayé par la puissance du courant ; pourtant, il restait sur place, aussi stable que s’il avait été solidement ancré.
Pas de doute : les magiciens de la Forêt étaient très doués !