21
— Bon, alors, c’est où ? demanda Bleu.
— Par là, peut-être murmura Henry en observant les alentours.
Ils étaient rue Nutgrove. Logiquement, le commissariat de Nutgrove ne devait pas être très loin.
— Dépêche, Henry ! s’impatienta la Princesse. Il faut que je trouve M. Fogarty, puis que je le ramène au Royaume. Et vite, en plus !
Le garçon grinça des dents. Il était au courant, merci. Par contre, il ignorait ce qu’ils feraient quand ils auraient trouvé le poste de police. Entrer et réclamer la libération de leur ami ? Pas sûr que cela suffirait…
— Prenons cette rue, suggéra-t-il en désignant une contre-allée.
— Tu es certain qu’on n’est pas déjà passés dans le coin ? s’inquiéta Bleu.
Non, Henry n’en était pas certain. Mais si le commissariat de Nutgrove n’était pas rue Nutgrove, il devait être dans les environs. Restait à mieux chercher.
— Qu’est-il arrivé, Bleu ? s’enquit le garçon pour changer de sujet.
— Il se trame quelque chose. La dépouille de mon père a disparu. C’est bizarre. Et je suis convaincue que quelqu’un prépare l’assassinat de Pyrgus. Mon frère m’a donc envoyée chercher M. Fogarty. Nous avons besoin de lui.
Elle hésita avant d’ajouter :
— Ce serait bien si tu pouvais venir, toi aussi.
Henry rougit de la base du cou jusqu’à la pointe des oreilles.
— J’vais voir c’que j’peux faire, murmura-t-il, pas convaincu qu’il réussirait à se libérer.
C’est alors qu’il aperçut le commissariat.
— Hé ! s’écria-t-il. Regarde, le poste de police est là !
« Et je ne vois pas ce que ça change…», pensa le garçon.
— Henry, qu’est-ce que c’est, exactement, un poste de police ? demanda Holly Bleu.
Évidemment, ce genre d’édifice n’existait pas, dans le Royaume !
— C’est… c’est comme un lieu de rendez-vous pour les gens qui surveillent ce qui se passe, expliqua le garçon. Une sorte de Quartier général pour les policiers du coin…
— Ils vivent là ?
— Euh, non, non. Ici, ils ont juste leur bureau, en quelque sorte.
— Et, s’ils arrêtent un contrevenant, ils le châtient comme chez nous ? Ils le flagellent en place publique ou lui coupent une main s’il est convaincu de vol ? En supposant qu’il ne soit pas noble, bien sûr…
— Non, je ne crois pas, dit prudemment Henry.
— Ah bon ? Pourtant, je trouve ça plutôt malin, non ?
Henry se rendit compte qu’il était resté figé sur place alors que la Princesse s’avançait déjà vers le commissariat. Il courut après elle et la retint par le coude.
— Que comptes-tu faire ? s’enquit-il. Tu ne peux pas entrer et réclamer la libération de M. Fogarty !
Il surprit le regard furieux de son amie et s’arrêta à temps : il allait lui rappeler que, ici, elle n’était pas Princesse royale.
— Ce n’était pas mon intention ! siffla-t-elle. Je ne suis pas complètement débile !
Elle le fixa droit dans les yeux… puis lui adressa un petit sourire :
— Ne t’inquiète pas, Henry. J’ai apporté des cônes avec moi.
— Des… des cônes ? répéta-t-il.
Il pensait aux glaces avec des pépites de chocolat et le bout du cornet croquant. Mais quelque chose lui suggérait qu’il ne s’agissait pas de ça.
— Des cônes de sortilège*, précisa Holly Bleu.
— Tu ne vas pas… Tu ne vas quand même pas…
— Me servir de la magie ? Ben si !
— Non ! Tu ne peux pas !
— Et pourquoi pas ?
Henry fulminait. Pourquoi pas ? Pourquoi pas ? Parce que… Il chercha une raison. N’en trouva pas. À part peut-être que l’utilisation de la magie contre les forces de l’ordre devait être interdite. Et l’était d’autant plus, si les policiers y croyaient.
Dans le Royaume des Fées, c’était normal. La magie était partout. Chacun s’en servait. En permanence. Mais ici… Dans un commissariat ! C’était… Qui aurait eu l’idée de…
— Quelle sorte de magie ? demanda le garçon d’une petite voix.