52
Aux portes du palais, les gardes étaient placés de part et d’autre des parterres. Pyrgus avançait au milieu d’eux, la tête haute, les mâchoires serrées. Bleu se tenait à son côté. Trois pas derrière eux, comme l’exigeait le protocole, marchait M. Fogarty.
Une demi-heure s’était écoulée depuis leur entrevue avec Comma. Ils devaient partir. Vite.
Le nouvel Empereur héritier les attendait.
— Disparaissez ! lança-t-il avec un sourire insultant. Toi, Pyrgus, si tu tentes de me causer le moindre souci, sache que Lord Noctifer me redemandera de t’exécuter. Cette fois, je ne m’y opposerai pas – non que cela me plaise, mais, vois-tu, nous avons à nous occuper d’un Royaume. Sans compter que je serai empereur ; or toute atteinte à l’Empereur étant assimilée à de la haute trahison, tu serais infailliblement condamné à mort.
Son petit sourire disparut, laissant place à une étrange expression, presque de la compassion :
— Prends l’argent que tu veux. Quand tu en auras besoin, informe-moi, et je t’en ferai parvenir. Si tu veux assister à mon Couronnement, tu n’auras qu’à promettre que tu ne joueras pas au plus malin, et je te laisserai y assister. Lord Noctifer ne sera pas content, mais, après tout, c’est moi l’Empereur, non ?
— Tu ne l’emporteras pas au paradis ! promit Holly Bleu, verte de rage.
— Escortez-les hors de l’île pourpre ! proclama Comma d’une voix forte. Puis transportez-les jusqu’à la frontière Haleklind*. Quand ils auront quitté le Royaume, qu’ils n’y remettent pas les pieds tant que je ne les y aurai pas conviés par message écrit, marqué du sceau impérial !
— Où est Noctifer, Comma ? demanda M. Fogarty, comme s’il s’était juste apprêté à partir en pique-nique.
— Surveille ta langue, vieillard ! s’emporta le garçon. Ne parle plus ainsi de Lord Noctifer et du Prince Comma ! Je t’ôte ta charge de Gardien. Je vais en choisir un autre. Un qui appartienne aux Fées de la Nuit. Lord Noctifer trouve cela plus œcuménique.
— Excuse-moi, Prince Comma. Je voulais simplement savoir où était Lord Noctifer. C’est ton régent, non ?
— Réjouis-toi qu’il ne soit pas là ! rétorqua Comma. Sinon, il t’aurait jeté en prison au lieu de t’envoyer en exil. Mais rassure-toi, il termine ce qu’il a à terminer, et, bientôt, il s’installera au palais. Avec Papa.
— D’accord…
Je me fiche que tu sois d’accord ou pas. Par contre, je te conseille de filer avec tes petits amis avant que je ne change d’avis…
Pyrgus se remit à marcher sans un mot. Arrivé au portail, il se retourna vers la demeure impériale, conscient qu’il la voyait peut-être pour la dernière fois. Au dernier étage, par une fenêtre éclairée, il crut apercevoir – il ne l’aurait pas juré – la grande silhouette de son père. Ce serait la dernière image du palais qu’il emporterait en exil.