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Devant la nouvelle demeure de Lord Noctifer, Nymphe était immobile près de Pyrgus.
— On aurait dû attendre les renforts, Prince, lui chuchota-t-elle.
Le jeune homme tourna la tête vers elle. Elle avait un petit nez mignon tout plein, légèrement retroussé à l’avant. En voulant lui répondre, il avait frôlé sa joue. Elle aussi était très belle. Douce et tentante. Une joue qu’on ne devait pas se lasser d’embrasser.
— L’effet de surprise n’attend pas, rétorqua le Prince en tâchant de se maîtriser. On était d’accord dès le début là-dessus : petit effectif, rapidité d’exécution.
— La situation a évolué, non ? Tant qu’on était au Palais pourpre, c’était jouable. Tu pouvais disposer de soutiens. Et tu en as trouvé. Mais nous sommes dans le parc du manoir de Lord Black Noctifer. Crois-moi sur parole : tu ne trouveras pas l’ombre d’un ami, ici. En plus, tu ne connais pas ton chemin. Tu n’as aucune idée de ce sur quoi tu vas tomber.
— Nous portons les uniformes de Noctifer, rappela Pyrgus.
— Sauf Ziczac, Comma et Henry.
— Nous pouvons toujours prétendre qu’ils sont nos prisonniers.
Les Maîtresse de la Soie étaient restées au palais sur l’ordre de Pyrgus. Elles savaient se défendre ; toutefois, elles n’étaient pas pour autant des guerrières. En plus, le Prince comptait sur elles pour fomenter quelques coups fumeux contre les soldats fidèles à Noctifer pendant son absence. Les autres membres du commando s’étaient directement rendus dans la propriété de Noctifer.
— On aurait pu s’arrêter en chemin, objecta Nymphalis. On a presque traversé le campement de la reine Cléopâtre.
— Je l’ignorais, figure-toi. De toute façon, c’est trop tard.
Il se rendait compte qu’il n’était pas très aimable. La présence de la belle Nymphalis le déconcentrait (comme l’aurait déconcentré son absence, sans doute !). Il avait une mission à accomplir. Son destin et celui du Royaume étaient en jeu. Or, il n’arrivait même pas à imaginer ce qui allait advenir lorsqu’il retrouverait son père. Pas le moment de se laisser distraire.
— Ce n’est pas trop tard, répondit la jeune fille. Le campement n’est pas très loin. Vous n’avez qu’à rester là, et regarder ce qui se passe. Quand je reviens, on passe à l’assaut.
— Cléopâtre ne voudra pas.
— Si. Elle veut fermer ces trous de l’Enfer à n’importe quel prix.
Pyrgus réfléchit. La proposition était tentante. Il n’était pas favorable à une attaque massive – une mauvaise solution à ses yeux. Car lui ne voulait pas seulement combler les trous infernaux. Il comptait aussi récupérer son père. Cependant, si Nymphe repartait chez elle, elle pourrait prendre Comma avec elle. Pyrgus ne serait pas fâché d’être débarrassé de son demi-frère. Il les avait aidés, d’accord. Pour autant, le Prince ne pensait pas grand bien de ce traître.
De plus, il était obligé de l’admettre : des renforts ne seraient pas inutiles. Qu’ils déclenchent un assaut ou pas, ils étaient en territoire ennemi. Et sur les terres de leur pire adversaire. Ils risquaient gros. Or, en l’état, ils n’étaient pas vraiment redoutables.
Au moment où Pyrgus allait communiquer sa décision à Nymphalis, des gardes en uniforme sortirent dans l’ordre et la discipline. Direction leurs baraquements. La voie était libre.
— Maintenant ! souffla-t-il.
Et sans attendre la réaction de son amie, il courut vers le manoir, plié en deux.