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L’église avait été rénovée en profondeur depuis la dernière fois que Sulfurique s’était translaté. Cependant, le flot de fidèles qui en sortait suggérait qu’on y célébrait toujours une messe quotidienne. Un instant, le vieillard fut tenté d’aller jeter un coup d’œil à l’intérieur (la magie blanche l’amusait). Il y renonça. Il accomplirait d’abord son travail. Il ferait un peu de tourisme après. Pour le moment, il devait déterminer comment exécuter sa mission. Il se doutait juste que ce ne serait pas facile.
Jadis, il aurait marché jusqu’au nord, vers Mott Street ; puis il aurait tourné à droite, direction le Bowery. C’était exclu. Le Bowery n’était plus ce qu’il était. On y trouvait toujours des zonards, bien sûr. Pas certain toutefois qu’il en dénicherait deux d’utilisables. Vu le temps qu’il faisait, ils étaient mieux dehors. Ils descendaient du vin bon marché vendu dans des cubis en carton. Sulfurique risquait de passer la journée à prendre des échantillons avant de trouver un individu utilisable. Et, après Ça, il devrait les tuer. C’était si fatigant…
Non, mieux valait commencer par dépenser un peu de l’argent de poche que lui avait donné Beleth, établir un plan de marche et procéder sans se presser.
Le vieillard traversa la route et se dirigea vers Doyers Street et ce quartier qu’il appelait son « cher vieux coin sanguin ». La foule était moins nombreuse, comme si les gens avaient senti les horreurs qui avaient été commises ici par le passé. Sulfurique avançait, une moue innocente sur son visage fripé, humant l’air à grandes bouffées – oh ! cette puanteur lourde, ces remugles urbains délicieusement corsés par les fumées et les gaz carboniques ! Comme il les aimait !
C’est dans cet état proche de l’extase qu’il s’enfonça dans le labyrinthe des rues et des allées qui s’étendait au-delà de Doyers.