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« P… pour qui te prends-tu ? » souffla Blafardos, entre sidération et effroi.
Jusqu’alors, il ne s’était pas rendu compte de la puissance du ver. Peut-être celle-ci n’était-elle que temporaire. Et peut-être que, si Jasper lui-même se concentrait, il réussirait à la surpasser.
« Pour quelqu’un qui va t’empêcher de commettre une grosse bêtise », répondit le vyr.
« Au contraire ! Je vais nous libérer l’un et l’autre ! »
« Tu te trompes. Écoute ce que j’ai à te dire…»
Blafardos soupira. L’animal allait encore s’embarquer dans l’une de ces infinies divagations philosophiques dont il raffolait. Et ce n’était pas le moment.
« Cyril, j’ai été ravi de faire ta connaissance, mais nous sommes arrivés à un carrefour de nos vies. Nos chemins vont se séparer. Je suis sûr que tu comprendras mes motiv…»
« On m’a demandé de te recruter », le coupa le vyr.
« Me recruter ? »
« Tu es plutôt intelligent, pour un homme, continua la créature. Il ne t’aura pas échappé que le Royaume est dans un drôle d’état. Les Fées s’entre-tuent pour des âneries, comme la forme de leurs yeux ou la nature de leur croyance ; les empereurs se font assassiner ou destituer avant même d’avoir été couronnés ; une guerre menace ; l’économie est au plus mal ; l’avarice et l’obsession du plaisir l’emportent sur la solidarité et la convivialité ; les valeurs qui guidaient la morale féerique sont mortes ; bref, l’Empire ne doit sa survie qu’à une chose : la fermeture des portails. Si les démons revenaient…»
« Ils ne reviendront pas, affirma Blafardos, espérant que l’animal allait enfin libérer son bras. Cela dit, tu as raison, tout n’est pas parfait. Mais je ne suis pas sûr que l’Empire ait empiré, pour ainsi dire ! Et même si c’était le cas, en quoi cela me concernerait-il ? »
« Posons la question autrement, proposa Cyril. Si tu pouvais changer quelque chose, le ferais-tu ? Si par exemple je t’invitais à te joindre à la Révolution des wangarami, que répondrais-tu ? »
Soudain, Blafardos sentit qu’il pouvait de nouveau bouger son bras. Il plia ses doigts pour combattre la sensation de crampe. Puis, sans se presser, il éloigna sa main de la sonnette et demanda :
« La Révolution des wangarami ? C’est quoi, ce truc ? »