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Jamais le vieil Empereur pourpre n’aurait reçu le duc de Burgonde dans la Salle du trône. Celle-ci n’avait qu’une fonction d’apparat. Les négociations sérieuses se déroulaient en privé. Pourtant, Hamearis Lucina n’était pas le moins du monde surpris. L’Empereur héritier était jeune et inexpérimenté. Il devait s’imaginer qu’accorder une audience à un noble important exigeait un certain décorum. De plus, le pauvre enfant ignorait à quel point il était mal.
Le duc n’était plus entré dans cette pièce depuis des années. On l’avait alors aménagée pour l’occasion : un banquet impérial, avec d’innombrables invités en grande tenue. Cette fois, la pièce était presque vide. Et obscure. Comme si les globes de lumière avaient sauté en même temps. Des serviteurs aux mines endormies apportaient des chandeliers sur lesquels brûlaient des bougies. Leurs flammes vacillantes éclairaient à peine, projetant des silhouettes inquiétantes, qui convenaient parfaitement aux mauvaises nouvelles dont le duc était porteur.
Hamearis lorgna d’un regard arrogant la forêt de piliers et, tout là-haut, les galeries acoustiques. Ces constructions baroques faisaient résonner le moindre murmure dans le grand hall d’entrée et le long des couloirs. Une bonne chose, pour Hamearis. Plus les domestiques auraient vent de ce qui allait se passer, plus grande serait leur panique.
À l’autre bout de la pièce se tenaient le Prince couronné Pyrgus et sa sœur, la Princesse royale Holly Bleu. Ils étaient assis sur deux énormes trônes surélevés. Ils avaient cru malin de s’installer à ces places d’honneur, afin d’impressionner leur interlocuteur. En réalité, cela ne faisait que trahir plus clairement ce qu’ils étaient : des gamins morts de peur.
Hamearis leur trouvait un air de famille. Pyrgus, surtout, avait quelque chose de son père. À l’évidence, il lui restait beaucoup à apprendre ; et néanmoins, il respirait l’intelligence.
Encore quelques années, et il serait devenu un Empereur convenable. C’était presque dommage qu’il n’en eût pas l’occasion.
Le duc s’avança vers eux. Son compagnon le suivit, trois pas derrière lui, à la manière d’un fantôme. Ou d’un mort vivant.