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Pendant les années 1990, on peut remettre en doute cette description élogieuse du rôle joué par le Canada dans les affaires étrangères et ce, pour une raison principalement structurelle ou systémique. Comme pays, le Canada a perdu l’importance qu’il avait dans les années 1970, lorsque Kissinger a écrit ces lignes. À l’époque, le Canada s’est imposé parmi le Groupe des sept pays industrialisés parce que son économie, par sa taille, le plaçait au sixième ou septième rang au monde. au milieu des années 1990, ce n’est plus le cas.
Le Canada demeure – il l’a toujours été – un fervent partisan des nations Unies et du maintien de la paix24. si, à une certaine époque, on ne pouvait concevoir un exercice important de maintien de la paix sans la participation du Canada, pendant les années 1990, ce dernier s’efforce péniblement de soutenir le rythme. vu les réductions dans les Forces armées et les économies de bouts de chandelles prônées par les politiques qui touchent le service extérieur comme n’importe quel autre secteur gouvernemental, la qualité du service extérieur en souffre25.
Chrétien ne fait pas montre d’un intérêt particulier ni soutenu envers les affaires étrangères. il a un degré de sensibilité normal pour un homme politique envers les grands événements à l’étranger mais ne cherche généralement pas à se faire remarquer sur la scène internationale.
d’autre part, sa conviction profonde est que les échanges commerciaux constituent un élément essentiel du rétablissement et de l’augmentation de la prospérité au Canada. il les perçoit aussi comme une façon de renforcer l’unité nationale, car qui pourrait se permettre de s’opposer aux échanges commerciaux ou de paraître indifférent au bien-être économique des électeurs ? en tant que premier ministre, Chrétien organise et dirige donc régulièrement des missions commerciales d’« équipe Canada » à l’étranger.
Pour ces missions, on fait les choses en grand : tous les premiers ministres ou la plupart d’entre eux, des hauts fonctionnaires et des gens d’affaires de premier plan sont entassés dans des avions et envoyés vers le pays choisi : la Chine, par exemple, où Chrétien espère non seulement accroître les exportations mais vendre des réacteurs nucléaires CandU conçus et fabriqués au Canada.
Le souci qu’a Chrétien des avantages commerciaux et économiques débouche sur des compromis dans l’approche canadienne de la politique étrangère. sous Mulroney, les droits de la personne étaient au cœur de la politique canadienne et, avec son ministre des affaires étrangères Joe Clark, Mulroney s’en est tenu à cette politique en dépit du risque d’offenser certains alliés du Canada, les Britanniques dans le cas de l’afrique du sud et les états-Unis dans celui de l’amérique centrale.