189
les politiciens au Canada, au nouveau-Brunswick et en nouvelle-écosse à voter massivement en faveur des chemins de fer – dans le cas du Canada, un des plus longs au monde, le Grand tronc, qui finit par s’étendre de la côte du golfe du saint-Laurent jusqu’au-delà de la rivière detroit. Parallèlement au développement du parcours ferroviaire, on prolonge les garanties du gouvernement pour les investisseurs du secteur ferroviaire – sans lesquels les chemins de fer coloniaux canadiens n’auraient certainement pas été construits. Le Grand tronc donne lieu à une des merveilles d’ingénierie de l’époque, le pont victoria, inauguré en 1859, qui traverse le saint-Laurent à Montréal.
Le Grand tronc est incontestablement un exploit qui coûte cher. La seule façon de le terminer est de miser considérablement, et de plus en plus, sur le trésor public provincial21. Le gouvernement canadien peut s’attribuer le mérite d’avoir réussi cet exploit mais il supporte également le poids de la critique quant aux actes et aux méfaits de ce qui devient immédiatement la société la plus importante et la plus connue de la province – société qui n’appartient pas au Canada mais à la Grande-Bretagne. si les Canadiens protestent contre les investisseurs britanniques, ces derniers se plaignent des Canadiens. « Cela m’apparaît clair que la colonie tire beaucoup plus avantage du chemin de fer que les actionnaires ne sont susceptibles de le faire22 », écrit un investisseur britannique.
Le Grand tronc et les lignes parallèles comme le Grand chemin de fer occidental ne sont qu’en partie conçus pour servir les besoins des colonies britanniques. Qui plus est, ils sont conçus pour avoir accès au commerce du Midwest américain et sont par conséquent intégrés à un réseau nord-américain plus important qui unit l’amérique britannique aux états-Unis. et évidemment, lorsqu’un marasme économique frappe les états-Unis, comme c’est le cas en 1857, les colonies britanniques sont également touchées.
Le krach de 1857 affaiblit les finances provinciales et ruine des milliers d’investisseurs. Les valeurs immobilières s’effondrent et les banques qui ont accordé quantité de prêts hypothécaires sont mises en péril (la Bank of Upper Canada, qui transige beaucoup d’hypothèques, ne s’en remet pas et fait faillite ; la Banque de Montréal, dont les activités hypothécaires sont moins importantes, survit et prospère). Cependant, la gestion des affaires publiques doit se poursuivre : il faut payer les canaux et les chemins de fer.
À contrecœur, les gouvernements haussent les impôts, ce qui signifie, dans le cas du Canada, le tarif douanier.
La hausse du tarif est suffisante pour attirer l’attention des exportateurs britanniques qui se plaignent que leurs biens sont évincés 190
UnE HIsTOIRE dU Canada
du marché colonial. Quelle sorte d’empire laisse ses colonies saboter les importations de la mère patrie ? demandent-ils. Le gouvernement britannique insiste auprès du gouvernement canadien et ce dernier réplique qu’à moins que les contribuables britanniques ne soient prêts à payer pour l’administration du Canada, ils ont intérêt à laisser les Canadiens augmenter leur propre revenu comme ils l’entendent. Le gouvernement britannique se calme. Contre toute attente, le Canada et, finalement, toutes les autres colonies ont franchi un obstacle constitutionnel (terre-neuve, qui a obtenu un gouvernement responsable en 1855, fait maintenant partie des colonies autonomes). sur les plans fiscal et commercial, l’autonomie coloniale est maintenant pour ainsi dire absolue.
Les colonies continuent de dépendre de la Grande-Bretagne en ce qui a trait à certaines questions coûteuses, notamment la défense. La défense repose sur la Marine royale, basée à Halifax sur la côte atlantique (la base du Pacifique se trouve à valparaiso, au Chili, et ne sera transférée à esquimalt, dans l’île de vancouver, qu’en 1865). durant les années 1850, il n’y a pas de bouleversements locaux à régler et la Grande-Bretagne n’a pas à envoyer de renforts en amérique du nord. Par contre, les Canadiens combattent pendant les guerres impériales de la Grande-Bretagne, par exemple lors de la guerre de Crimée de 1854-1856 contre la russie et lors de la rébellion indienne de 185723.
LA GUERRE DE SécESSiOn
ni les russes ni les indiens ne sont susceptibles ou, en fait, n’ont la capacité, d’attaquer les colonies britanniques américaines. seuls les américains peuvent le faire. alors que les états-Unis s’apprêtent à basculer dans une guerre civile, certains états du nord caressent l’idée d’annexer les provinces, soit pour compenser la perte des états du sud qui se séparent, soit comme moyen ultime d’unifier les états désunis au détriment d’un ennemi étranger opportun24.
La guerre de sécession éclate en avril 1861 et dure quatre longues années. Le nord, sous la présidence d’abraham Lincoln, se bat d’abord pour maintenir l’union américaine et empêcher la sécession, tandis que le sud se bat pour l’indépendance et la préservation de l’esclavage. Plus tard, en 1863, l’abolition de l’esclavage devient un objectif de guerre de l’armée du nord ; ainsi, sa victoire en 1865 entraîne la fin de l’« institution singulière » du sud.
8 • de colonies à provinces