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Créé en 1867, le dominion du Canada déçoit certains espoirs de ses fondateurs. Ces derniers ont prédit la création d’un grand pays transcontinental, regorgeant de prospérité et avec une population semblable à celle des états-Unis. en 1896, le dominion est la troisième entité politique en superficie (plus de soixante-dix-sept millions d’hectares) sur terre ; seules la russie et la Chine sont plus vastes. en 1870, il s’étend jusqu’aux Prairies en rachetant les terres de la Compagnie de la baie d’Hudson ; en 1871, il atteint le Pacifique avec l’ajout de la Colombie-Britannique ; et il complète les provinces de l’atlantique lorsque l’Île-du-Prince-édouard fnit par venir s’y ajouter. en 1880, le gouvernement britannique transmet au Canada les îles de l’arctique, essentiellement vides, de sorte que la zone de compétence nominale du dominion s’étend désormais jusqu’au pôle nord.
Le territoire n’est cependant guère peuplé. Cela crée tout d’abord de la perplexité, de l’embarras, puis du ressentiment chez les Canadiens patriotes. Pour la grandeur nationale, il semble logique de faire l’acquisition d’un territoire transcontinental à la mesure de celui des états-Unis, bénéficiant en outre des remarquables institutions britanniques, avec la population correspondante. en ce qui a trait à la population, on peut envisager qu’elle atteigne trente, quarante ou cent millions ; une estimation à tout le moins assez envisageable pour être lancée sans grandes contradictions dans les discours de l’époque.
La réalité est tout autre. il faut commencer par faire l’acquisition de l’Ouest ; quand c’est chose faite, l’Ouest entre dans la Confédération avec les conditions qui s’y rattachent : le mécontentement au sein de la population locale des Prairies, constituée d’indiens, de Blancs et de Métis, qui sont un mélange des deux. il faudra les apaiser et les subventionner avant de pouvoir les gouverner. Plus à l’ouest se trouve la Colombie-Britannique, rattachée au Canada en 1871 grâce à une promesse canadienne de construire un chemin de fer transcontinental. Mais cela prend du temps et coûte cher. Or, de l’argent, il y en a moins que prévu, en raison d’une récession économique qui frappe le monde entier dans les années 1870. L’édification de la nation se révèle un fardeau plus lourd que prévu et il n’est pas facile d’attirer des immigrants dans un pays a l’économie décevante et aux perspectives relativement sombres.
Quand on compare défavorablement le Canada, c’est toujours par rapport aux états-Unis, le voisin géant. Les Canadiens éprouvent admiration, envie et ressentiment à l’endroit de ce voisin. Comparant leur statut à celui des états-uniens, beaucoup de Canadiens tirent leur propres conclusions. La prospérité américaine constitue leur propre publicité, si bien qu’entre 1867 et 1896, quelque deux millions de Canadiens partent 199