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nATiOnALiSmE ET AnTi-AméRicAniSmE

À certains égards, le sentiment d’anti-américanisme est apparu en même temps que le Canada. On pourrait élargir la boutade d’Oscar Wilde à l’effet que les états-Unis et la Grande-Bretagne sont divisés par une langue commune et l’appliquer à l’expérience canado-américaine : géographie, histoire, politique et religion unissent et divisent tout à la fois ces deux pays.

(L’existence, pendant de nombreuses années, d’une forte communauté franco-américaine qui conservait sa langue permet de tracer, jusqu’à un certain point, un parallèle de l’autre côté du grand fossé linguistique.) Quand, en 1948, Mackenzie King abandonne l’idée d’une union douanière avec les états-Unis, il a en tête la réaction négative qu’elle aurait sans doute suscitée au sein de l’opinion publique canadienne (ou une grande partie de celle-ci) même après l’expérience commune de la guerre et de l’alliance, et l’opinion généralement positive que les Canadiens ont des politiques et des dirigeants américains (surtout du regretté Franklin d.

roosevelt). Ce sentiment trouve son expression pendant les années 1950, à tel point que lorsqu’un diplomate américain quitte le Canada (et, par là même, le service diplomatique), il publie un article reprochant aux Canadiens leur anti-américanisme33. ses lecteurs en sont sans doute surpris, mais on décèle au cœur de sa critique une réalité gênante.

trop souvent, la difficulté réside dans une confrontation entre nationalismes. L’ambassade des états-Unis commence à inclure, dans ses rapports à Washington, une section intitulée « nationalisme canadien »

pendant que les diplomates canadiens se plaignent de l’obstination des américains et de leur indifférence envers les intérêts canadiens (ou fulminent à leur propos, selon le cas). Un ambassadeur américain impute l’anti-américanisme canadien à une crainte des Canadiens de n’être, tout bien considéré, que des américains de seconde classe.

On observe néanmoins un bon degré de confiance mutuelle entre les diplomates de profession qui gèrent les relations canado-américaines. Cette confiance sera ébranlée par l’évolution à venir de la politique canadienne.

LE pHénOmènE DiEFEnBAKER

Le 10 juin 1957, Louis saint-Laurent et son gouvernement libéral subissent la défaite par une faible marge aux élections générales. saint-Laurent pourrait refaire ce que Mackenzie King a déjà fait et attendre que le Parlement se réunisse pour voir si les deux petits partis, la CCF et le Crédit social, peuvent ensemble donner suffisamment de votes au gouvernement 360

UnE HIsTOIRE dU Canada

pour lui permettre de tenir. il choisit plutôt de démissionner et de laisser la place aux progressistes-conservateurs, dirigés par John diefenbaker.

nouveau comme dirigeant du parti, diefenbaker est depuis longtemps député et membre du parti. avocat saskatchewanais de grand renom et au glorieux passé, il fait partie de la Chambre des communes depuis 1940. Candidat au leadership de son parti à trois reprises, il est sorti vainqueur du scrutin à sa troisième tentative, en 1956. C’est un homme qui suscite de fortes réactions. Certains membres de son parti détestent royalement leur chef : d’après eux, il n’oublie pas facilement les offenses, réelles ou imaginaires, et en garde rancœur, ce en quoi ils ont tout à fait raison. il leur faut toutefois reconnaître que, comme orateur, diefenbaker n’a personne à envier et que, bien préparé en vue d’un discours au Parlement ou sur une plateforme électorale, c’est une véritable arme de destruction massive. il leur faut aussi reconnaître qu’au terme de vingt-quatre années d’échecs électoraux, les conservateurs ont besoin d’un coup d’accélérateur et, pour cela, ils peuvent compter sur diefenbaker.

diefenbaker est bien sûr un représentant de l’Ouest, ce qui finira par se révéler un avantage électoral, mais sa véritable force réside dans le fait qu’il n’est pas originaire du Canada métropolitain. en réalité, il tire davantage sa force de ce qu’il n’est pas que de ce qu’il est. sur le plan idéologique, il n’y a pas grand-chose qui distingue les progressistes-conservateurs, et diefenbaker en particulier, des libéraux. sur le plan politique, à tout le moins sur celui des tactiques politiques, c’est Mackenzie King qui est son héros ; il a étudié sa façon d’agir depuis les banquettes de l’opposition dans les années 1940. King prenait son temps pour se faire une idée sur des sujets donnant lieu à controverse et diefenbaker suit son exemple. sur le plan social, on observe une différence car, traditionnellement, les conservateurs tirent leur force des anglophones, des protestants et des gens dont les revenus se situent dans les plus hautes fourchettes.

en dépit du manque d’identification avec les grandes villes de diefenbaker, celles-ci votent pour lui et son parti, surtout lors des élections éclairs de mars 1958. Pour ces élections, les libéraux ont un nouveau chef, le lauréat du prix nobel Lester Pearson, qui vient de remplacer Louis saint-Laurent en janvier. Le prix nobel n’est guère favorable à Pearson. Une forte majorité des électeurs adoptent le slogan conservateur et décident de

« suivre John » pour lui donner une victoire retentissante : 208 sièges sur les 265 que compte la Chambre des communes. d’un océan à l’autre, les Canadiens votent pour diefenbaker, y compris au Québec, où le premier ministre, un ancien conservateur, donne tout son appui aux conservateurs et engage toute son organisation en leur faveur pour ainsi écraser les libéraux maudits. C’est l’année de « Dief the Chief » comme le surnomment affectueusement ses partisans.

 

13 • des Temps Bénis, 1945–1963

Une histoire du Canada
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