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UnE HIsTOIRE dU Canada
Macdonald dispose de tous les éléments pour bâtir un pays. il lui faut à présent les mettre ensemble. il ne peut guère compter sur de l’aide extérieure : dirigé par William ewart Gladstone, grand adepte de l’économie, le gouvernement britannique ne souhaite nullement qu’on lui rappelle ce que le Canada lui a déjà coûté. dans le cadre de son propre programme économique, Gladstone retire du Canada les garnisons britanniques qui y restaient, n’y laissant que deux bases navales, à Halifax et esquimalt, dans l’île de vancouver. Cela revient à admettre que la Grande-Bretagne a peu d’espoir d’organiser la défense en règle du territoire canadien.
La Grande-Bretagne n’en conserve pas moins la responsabilité de la défense et des affaires étrangères. en gage de la première, c’est un officier britannique qui commande la milice canadienne, ainsi qu’une petite force permanente. sans exercer de contrôle sur ses relations extérieures, la Canada parvient néanmoins à faire entendre ses préoccupations au sein de l’empire.
Le gouvernement britannique décide donc de nommer Macdonald à un des trois postes de commissaires qui se rendent à Washington pour régler les questions en suspens sur le plan de la diplomatie anglo-américaine. La plupart de ces questions sont liées aux doléances américaines concernant le comportement des Britanniques pendant la guerre de sécession.
et ces doléances sont vraiment réelles. Les Britanniques ont autorisé les Confédérés à construire des bateaux corsaires marchands comme l’ Alabama dans des chantiers navals britanniques. On se souviendra du raid sur st. alban en 1864 et d’autres incidents mineurs de déprédations frontalières. d’autre part, on se souvient aussi des coûteuses incursions des Fenians au Canada, sans nul doute le résultat de la négligence des agents américains. Les américains se plaignent de la politique des pêches du Canada, qui restreint la présence de bateaux de pêche américains dans les eaux canadiennes ; de leur côté, les Canadiens veulent la restauration du traité de réciprocité. en réalité, Macdonald espère se servir de l’accès aux zones de pêche canadiennes comme appât pour amener les américains à rétablir la réciprocité. Officieusement, le sénateur républicain du Massachusetts, Charles sumner, laisse entendre que l’on pourrait tout simplement régler l’ensemble de ces différends en cédant le Canada aux états-Unis en échange de la renonciation des américains à leurs revendications vis-à-vis de la Grande-Bretagne.
il n’en sera jamais question, mais de réciprocité non plus. Les Britanniques font plutôt preuve de générosité en versant des indemnisations pour l’ Alabama et des revendications connexes, tandis que les américains louent un droit d’accès aux zones de pêche canadiennes pour dix ans, à un coût qui sera déterminé par voie d’arbitrage. On oublie tout simplement les pertes attribuées aux Fenians et toutes ces dispositions sont incluses dans un traité signé à Washington.
9 • expansion eT désillusion, 1867–1896