317
LE DéBUT DE LA SEcOnDE GUERRE mOnDiALE
en 1914, au moment de se lancer dans la Grande Guerre, les Canadiens faisaient montre de confiance. Bien sûr, celle-ci était alors due à leur ignorance et on ne peut en dire de même de l’année 1939. Lors de la seconde Guerre mondiale, bombardements aériens, gaz toxiques et guerre sous-marine, tous des éléments hérités de la Grande Guerre, seront au rendez-vous. Comme s’ils voulaient le souligner à gros trait, les allemands ne tardent pas à couler un navire de ligne, l’ Athenia, qui transporte des évacués britanniques à destination du Canada.
Le gouvernement canadien suit la voie tracée en 1914 mais il peut tirer des enseignements des erreurs commises par le gouvernement de Borden pour s’efforcer de les éviter. il prend le contrôle des réserves de devises étrangères du pays et impose des contrôles sur les opérations internationales. Grâce à r.B. Bennett, il existe une Banque du Canada, propriété du gouvernement, pour gérer la devise et conseiller le gouvernement. Ce dernier ne tarde pas à augmenter les impôts et, grâce à l’impôt sur le revenu de Borden, il dispose des moyens pour le faire. Comme en 1914, on observe une flambée de sentiment d’« unité nationale » mais elle est encore plus courte qu’en 1914.
Ce sont d’abord les provinces qui posent des problèmes. Ce sont, pour la plupart, des bénéficiaires des pensions du gouvernement fédéral : la Colombie-Britannique, les trois provinces des Prairies et les provinces maritimes. deux ne sont pas dans cette situation : l’Ontario et le Québec, bien que toutes deux apprécient l’aide fédérale quand elles parviennent à en obtenir. dirigé par son premier ministre de l’Union nationale, Maurice duplessis, le Québec doit emprunter de l’argent et veut le faire à new York. en raison du déclenchement inopportun de la guerre, cela se révèle impossible. duplessis a le choix de dire à ses électeurs que sa gestion financière a fait défaut (ce qui est exact) et qu’il lui faut donc augmenter les taxes. voyant bien que cela constituerait un suicide politique, il opte pour une autre voie : le déclenchement d’élections. il rejette le blâme sur Ottawa, s’en prend à la guerre et déclare au cours d’une assemblée publique que le Québec ne devrait pas y prendre part, quel que soit le sens de cette déclaration. toute irréfléchie que cette dernière soit, c’est un geste d’éclat mais aussi un geste irrétractable18.
La menace de duplessis peut avoir une grande signification. Pour la délégation québécoise au sein du cabinet de King, c’est un défi et, sous la direction de Lapointe (et en dépit des objections de King), elle décide de le relever. Les ministres fédéraux feront des interventions directes dans la campagne électorale provinciale (le tabou rattaché à ce genre d’intervention 318
UnE HIsTOIRE dU Canada
n’est pas aussi fort en 1939 qu’il le deviendra plus tard, même si, de nos jours, il n’existe toujours ni règle absolue ni pratique ferme). ils iront tous ensemble se mesurer à duplessis et, s’il faut qu’ils perdent, ils remettront leur démission. Cela signifierait que Mackenzie King et ses libéraux anglophones gouverneraient le Canada sans la moindre médiation canadienne-française, soit plus ou moins ce qu’a réalisé Borden en 1917. aussi longtemps qu’ils demeureront au sein du cabinet, promettent les ministres québécois, il n’y aura pas de conscription. s’ils en sortent, duplessis sera-t-il alors en mesure de protéger sa province de cette possibilité ? La menace est efficace et elle est renforcée par l’argent recueilli par les libéraux fédéraux. au bout du compte, duplessis subit la défaite. Le Québec aura un gouvernement libéral, favorable à Ottawa et à l’effort de guerre pendant la plus grande partie de la guerre.
La difficulté suivante provient de l’Ontario où, fait paradoxal, le gouvernement est bel et bien libéral. Malheureusement, le premier ministre libéral, Mitchell Hepburn, a Mackenzie King en horreur. Hepburn est un homme impulsif, porté à surestimer sa propre importance et celle de son gouvernement provincial. Lui aussi remet en question le droit de Mackenzie King de diriger le pays et réclame plutôt un gouvernement d’unité nationale dominé par les gens d’affaires, une proposition accueillie très favorablement dans Bay Street, le quartier financier de toronto.
très vite, King déclenche des élections fédérales, au cours desquelles l’opposition conservatrice n’a guère d’autre choix que de se présenter comme le pigeon de Bay street, le futur gouvernement d’unité nationale. L’électorat ne se laisse pas convaincre par ses arguments. Les libéraux – tout comme les conservateurs – promettent qu’il n’y aura pas de conscription, ce qui trouve bien sûr son écho au Québec ; mais, en 1940, cela ne fait pas de tort ailleurs non plus. au terme des élections de mars 1940, King remporte la majorité du vote populaire et les trois quarts des sièges à la Chambre des communes.
Les conservateurs n’ont guère de quoi présenter une opposition efficace et, pour empirer encore les choses, King et ses ministres n’éprouvent aucune difficulté à recruter rapidement certains hommes d’affaires parmi les plus talentueux du pays pour les aider à gérer l’effort de guerre (baptisées
« collaborateurs bénévoles », ces recrues comptent même en leurs rangs le très compétent neveu de sir robert Borden, Henry).
avec une telle recette, on ne peut que connaître la réussite, sur le plan national uniquement cependant. La réussite à la guerre dépend des principaux alliés, la Grande-Bretagne et la France, et le ciel au-dessus de leurs têtes paraît bien sombre. en manque de fonds, les Britanniques s’efforcent de faire des économies sur les mandats versés au Canada, comme sur tous les autres mandats payés en dehors de leur propre zone monétaire (la « zone sterling »). La production des industries canadiennes en 1939-12 • mondes hosTiles, 1930–1945