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le fait qu’elle servira à attirer les colons dans l’orbite américaine – que le drapeau américain suivra le commerce américain vers le nord. si cela signifie la reconnaissance de trois ou quatre nouveaux états, ce sera suffisant pour faire pencher la balance.
Pour un grand nombre de sudistes, le débat se situe tout à fait à l’opposé. si les américains britanniques demeurent isolés et mécontents sur le plan économique, ils seront tentés de se débarrasser de l’empire britannique et de demander l’annexion à l’union américaine. si, d’autre part, ils peuvent atteindre la prospérité sans s’annexer à l’union, ils demeureront séparés et indépendants, contrariant par le fait même les rêves des nordistes quant à une majorité anti-esclavagiste.
Les principes (même les principes contradictoires) sont une chose, les tactiques en sont une autre. L’exécutif américain est faible et presque indifférent mais le pouvoir sur le commerce ne réside pas à ce niveau. Les Canadiens sont contraints de se joindre aux efforts de l’exécutif et de s’efforcer de convaincre l’assemblée législative. On avertit le gouvernement canadien qu’il faudra du temps et de l’argent pour rallier le Congrès à sa cause. avec courage, les Canadiens prennent en charge le fardeau. ils engagent des « agents du Congrès » et dépêchent des ministres du Cabinet, même lord elgin, à Washington, afin d’argumenter avec les politiciens tout en buvant du champagne et du whisky et en fumant le cigare17. il s’agit de la première fois, mais certainement pas la dernière, que des négociateurs canadiens ont recours au régime politique américain ; en cette occasion, ils réussissent.
Cet exploit n’est pas coutume. en effet, le traité de réciprocité de 1854 est un des trois seuls traités commerciaux signés et ratifiés par les états-Unis entre 1789 et 1934. Le traité touche le commerce, la navigation et les pêches. des produits naturels, notamment le blé, le charbon, le bois d’œuvre et le bois non ouvré, sont visés par le libre-échange entre les deux pays – ce qu’on appellera ultérieurement le libre-échange sectoriel. Les américains protègent l’accès aux canaux du saint-Laurent et aux pêcheries au large des provinces de l’atlantique18. en échange, on permet aux colons de pêcher dans les eaux américaines au nord du 36e parallèle et de naviguer sur le lac Michigan. Le traité sera en vigueur pendant dix ans et pourra par la suite être rappelé en donnant un préavis d’un an.
Le traité de réciprocité coïncide avec une période de croissance économique et ses effets positifs sont renforcés par les effets de la prospérité.
en 1857, une brusque récession touche les provinces et les états-Unis mais, par la suite, le déclenchement de la guerre de sécession garantit un marché aux colons, qui approvisionnent les industries et les armées des états du nord en guerre contre les états du sud.