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Bretagne, la France et les états-Unis. Pour reprendre les termes utilisés par un citoyen canadien dans un mémoire daté d’août 1947, « il se peut fort bien que la vaste majorité des peuples coloniaux et de couleurs affichent de l’hostilité ou de la froideur envers les puissances occidentales en cas de guerre avec l’Union soviétique […] Plus on retarde leur indépendance, plus grands sont les risques de voir les mouvements d’indépendance dans les colonies attirés dans la sphère d’influence ou de contrôle soviétique22. »
Le Canada devrait tout mettre en œuvre pour hâter la fin de l’empire et nettoyer les dégâts laissés par ce dernier. aux yeux du monde dans lequel les Canadiens ont grandi, c’est certes un changement important, mais cette transition a été interrompue par la ré-invention du Commonwealth britannique.
Le Commonwealth repose en partie sur le prétexte que ses membres ont en commun un héritage britannique de grande valeur et, de fait, l’antagonisme entre ex-colonisés et ex-colonisateurs au sein de l’organisation est extrêmement nuancé et souvent contradictoire. Le fait que les ministres du Commonwealth se réunissent en conférence toutes les quelques années sur un base égalitaire n’est certes pas pour déplaire entièrement à ceux qui étaient dominés encore tout récemment mais le point de vue des Occidentaux a un petit côté poétique qu’on ne retrouve pas chez les asiatiques.
Cela dit, dans certains cercles canadiens, on pense que la domination coloniale, surtout en asie et en afrique, est intrinsèquement injuste23.
Le premier ministre Louis saint-Laurent a une forte propension à l’anti-impérialisme qu’il garde la plupart du temps pour lui-même24. saint-Laurent combine anti-impérialisme avec un sentiment beaucoup plus traditionnel de charité missionnaire, ce qui justifie en grande partie à ses yeux l’aide modeste du Canada aux pays sous-développés, bien que ces derniers soient simplement au départ des membres du Commonwealth.
Les Britanniques sont en train de résoudre leur problème impérial, ce à quoi l’opinion publique anglophile au Canada accorde un certain crédit.
Le public canadien préfère penser que les pays asiatiques comme l’inde suivent une évolution semblable à celle du Canada dans le passé – que cette évolution ait été réelle ou non – et qu’il existe donc une affinité naturelle entre le Canada et l’inde, en particulier, la « plus grande démocratie au monde », pour reprendre le cliché journalistique de l’époque. Certains pensent aussi que l’inde, une démocratie avec un héritage britannique semblable, souscrit aux mêmes « normes internationales » que le Canada et on retrouve dans cette perception le noyau de ce qui deviendra beaucoup plus tard une tendance prononcée de la diplomatie canadienne vers les droits de l’homme25.