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semblent indiquer que le gouvernement impérial ne subventionnera pas éternellement les colonies nord-américaines20.
au Haut-Canada, le peuplement aurait dû être une affaire relativement simple. Le gouvernement est à la recherche de colons, soit directement soit par un intermédiaire quelconque, un agent de colonisation ou une compagnie foncière, par exemple. il arrive au gouvernement impérial d’encourager l’émigration, en installant des régiments dissous dans la colonie après les guerres napoléoniennes ou en encourageant des populations excédentaires, surtout en irlande, à émigrer.
de tous les plans de peuplement, le plus extraordinaire est celui de la Canada Company, une inspiration d’un romancier écossais, John Galt : il achète au gouvernement du Haut-Canada de vastes étendues de terres : 2,5 millions d’acres (un million d’hectares) au prix de trois shillings et six pence l’acre, soit l’équivalent de 195 000 $, payable en seize ans21. Y
voyant une autre source de revenu pour le Haut-Canada, le gouvernement britannique est ravi. en dépit de revers de fortune au début – à un moment donné, Galt est incarcéré pour motif de dette – la compagnie est rentable et elle finira par connaître une longue existence. Ce n’est que dans les années 1950 qu’elle vendra son dernier lot et qu’elle liquidera ses affaires22.
La politique foncière subit d’autres changements. Bien que les vétérans et les Loyalistes continuent à se voir octroyer gratuitement des terres, tous les autres paient comptant. La limite du peuplement se déplace vers le nord et l’ouest, jusqu’au bord du Bouclier canadien en 1850 et jusqu’au lac Huron vers l’ouest. Pendant les années 1820 et 1830, la population du Haut-et du Bas-Canada explose pratiquement. au Haut-Canada, cela est essentiellement attribuable à l’immigration mais au Bas-Canada, d’autres éléments entrent en jeu.
LE BAS-cAnADA
Le Bas-Canada doit son caractère unique à la langue, plus exactement à la différence de langue. Certes, il y a de l’immigration, surtout en provenance des îles Britanniques. Par conséquent, certaines régions du Bas-Canada prennent une petite tournure anglophone et, pendant une bonne partie du dix-neuvième siècle, Montréal est principalement une ville anglophone. Même Québec compte une forte minorité de langue anglaise.
il y a des enclaves anglophones au sud et à l’est de Montréal, entre les anciennes seigneuries et la frontière américaine, les Cantons-de-l’est ; et on trouve des locuteurs anglais dans certaines poches autour de la Gaspésie et le long de la côte nord du saint-Laurent, la côte du Bas-Labrador. La 152
UnE HIsTOIRE dU Canada
majorité francophone garde plus ou moins sa proportion démographique et croît en nombre. alors que les Canadiens français étaient jusque là concentrés dans la vallée du saint-Laurent, ils s’étendent graduellement, pendant les années 1830, vers des régions jusqu’alors occupées par des anglophones.
simultanément, l’agriculture transforme la colonie. Ça, on peut en être sûr, mais les historiens modernes n’arrivent pas encore à s’entendre sur les raisons de cette transformation de la colonie et les effets de cette évolution. À l’aube du dix-neuvième siècle, vers 1800, le Bas-Canada était un grand producteur de blé avec un excédent substantiel qu’il pouvait exporter. dans les année 1820, ce n’est plus vrai et les agriculteurs délaissent le blé en faveur de la polyculture23.
La pression démographique est forte également, ce qui provoque la division des fermes et l’expansion de l’exploitation agricole vers des terres périphériques. La terre s’étant appauvrie en raison de la surproduction, certaines fermes anciennes deviennent également marginales. il se peut aussi que le type de blé cultivé pose problème : ce n’est que plus tard au cours du siècle que des variétés de blé plus résistantes, mieux adaptées au climat canadien se développent. il n’existe pas non plus de preuve concluante à l’effet que les méthodes d’agriculture au Bas-Canada diffèrent énormément de celles de la concurrence au Haut-Canada ou en nouvelle-angleterre ni qu’elles sont pires. autrement dit, il n’existe pas de preuve concluante que les agriculteurs canadiens-français sont pires en affaires que les anglophones et l’on ne s’attend pas à en trouver un jour.
On peut dire que la production de blé stagne plutôt qu’elle ne disparaît, mais cela semble entraîner une baisse du niveau de vie sinon d’importantes difficultés économiques dans certaines parties de la province.
selon certains historiens, la radicalisation de la politique bas-canadienne dans les années 1830 est attribuable à une crise économique, mais la faille de cette analyse est que la radicalisation ne s’étend pas à toutes les régions agricoles appauvries et certainement pas à tous les agriculteurs appauvris.
en effet, tous ne prennent pas les armes quand la politique fait place à la violence en 1837-1838.
On ne peut en tout cas pas parler de stagnation dans le cas des villes du Bas-Canada, en particulier dans celui de Montréal. À mesure que l’économie bas-canadienne connaît la prospérité pendant les guerres de napoléon et que le Haut-Canada voit croître sa richesse et sa population, Montréal s’impose comme centre commercial et financier et point de distribution du bassin du saint-Laurent ; les membres de son élite commerciale n’éprouvent aucune difficulté à effectuer la transition de marchands de pelleteries à commerçants, banquiers et fabricants. Québec 7 • TransformaTions eT relaTions, 1815–1840