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Les autorités locales font tout en leur pouvoir pour faire face au phénomène. relativement peu d’immigrants ont l’intention de demeurer au Bas-Canada mais le coût de leur arrivée et de leur passage incombe au gouvernement local. Par conséquent, le gouvernement provincial impose un impôt per capita en vue de couvrir les frais et l’augmente afin d’absorber les coûts liés à la maladie et à l’hospitalisation – et, bien entendu, aux inhumations.
Le groupe d’immigrants le plus connu, ou le plus mal connu, vient d’irlande12. en 1815, il s’agit du groupe le plus important et depuis lors, il en est ainsi pratiquement chaque année. Les irlandais transforment les colonies sur le plan démographique mais également sur bien d’autres plans. en règle générale, on présume qu’« irlandais » signifie « irlandais catholique » mais la plupart du temps, ce n’est pas le cas. La majorité des immigrants irlandais en amérique du nord, au nord ou au sud de la frontière, sont protestants, ce qui donne lieu à une autre distorsion à l’effet qu’on assume généralement que protestant signifie « presbytérien d’Ulster », les soi-disant écossais-irlandais, descendants des colons cromwelliens qui ont écarté les Gaéliques et les irlandais catholiques. Mais la majorité des irlandais catholiques qui viennent en amérique du nord britannique sont vraisemblablement des membres de l’église d’irlande ; c’est-à-dire qu’ils sont anglicans et non presbytériens. assez naturellement, le Haut-Canada, qu’on appelle Canada-Ouest après 1840, en accueille le plus puisque c’est là qu’on trouve le plus de terres non habitées prêtes à l’agriculture, le gagne-pain de la plupart des immigrants irlandais. Cependant, le nouveau-Brunswick en accueille également beaucoup, davantage pour l’exploitation forestière que pour l’agriculture ; nombre d’irlandais se retrouvent également dans le commerce du bois d’œuvre de la vallée des Outaouais.
tous les immigrants amènent avec eux des coutumes et des habitudes issues de leur pays d’origine et les irlandais n’y font pas exception. Les protestants importent l’ordre d’Orange, une société plus ou moins secrète fondée en 1795 afin de commémorer la victoire protestante (et anglaise) lors des guerres religieuses du siècle précédent, qui prend comme symbole le souverain protestant Guillaume iii – le « roi Billy » pour ses suivants et ses admirateurs. de telles sociétés – la franc-maçonnerie en est un autre exemple – apportent une aide et un soutien à une société privée de distractions et de camaraderie. au même titre que la pratique religieuse, ils définissent une grande partie de la société des forêts intérieures des provinces américaines de la Grande-Bretagne.
Les églises sont essentielles en irlande et il s’ensuit qu’elles seront déterminantes en amérique du nord britannique. Le clivage principal se 182
UnE HIsTOIRE dU Canada
situe entre les catholiques et les protestants. il y a un certain mouvement entre les deux religions, dû à la conversion ou à l’intégration à la croyance voisine, mais de façon générale, les catholiques demeurent catholiques et les protestants, protestants. La ligne qui sépare les différentes confessions protestantes est plus fluide. Comme l’indique akenson, les historiens ont tendance à sous-estimer, sinon à ignorer l’église (anglicane) d’irlande et en fait, l’anglicanisme dans ses ramifications irlandaises, écossaises et anglaises constitue une caractéristique importante de la vie coloniale.
Mais l’allégeance confessionnelle est non seulement liée à une conviction confessionnelle profonde mais aussi à l’accessibilité des offices religieux.
Les congrégations qui n’ont pas d’église ou de ministre du culte risquent fort de dériver vers une autre secte.
Quel que soit le critère utilisé, la tentative d’établir une église d’état
– l’église anglicane – échoue. dans les années 1830, les administrateurs coloniaux se résignent au fait que leurs sujets auront libre choix en matière de religion. La compulsion et le favoritisme étant écartés de l’équation religieuse, il y a place pour la coopération interconfessionnelle ou, de façon plus concrète, pour la neutralité entre les religions. La perspective d’une harmonie ou du moins de l’absence d’un conflit âpre permet d’envisager une évolution en ce qui a trait aux questions se rapportant à l’église, telle que l’enseignement.
d’un point de vue conceptuel, l’enseignement régulier, obligatoire et subventionné par les deniers publics a du succès mais il est difficile à mettre en application. toutes les colonies sont régies par certains types de lois scolaires. il en existe un modèle en irlande, en vertu duquel un réseau d’« écoles nationales » est établi et dont le programme d’études exclut strictement tout ce qui pourrait offenser les sectes chrétiennes d’irlande, catholiques ou protestantes. en irlande, les catholiques sont majoritaires mais en amérique du nord britannique, ils le sont seulement dans le Bas-Canada. ailleurs, la rigidité catholique affronte l’assertivité protestante.
Les politiciens doivent mettre en commun tout leur génie afin de camoufler le fait et il en résulte toute une série de compromis. dans la province du Canada, la législation, sous l’égide d’un politicien catholique, produit deux systèmes parallèles soutenus par l’état pour le Canada-Ouest. il existe un système public, réellement protestant, et un système catholique, connu sous le nom d’écoles « distinctes ». en nouvelle-écosse et au nouveau-Brunswick, les arrangements sont quelque peu différents mais le résultat est le même : quelques écoles sont catholiques et d’autres, protestantes.
8 • de colonies à provinces