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L’UTiLiTé DU GOUVERnEmEnT
Les écoles sont évidemment destinées à inculquer la religion, ce qui sert l’intérêt de différentes églises, mais également à encourager les bonnes valeurs civiques, du patriotisme au comportement ordonné. dans les colonies, on aspire depuis toujours au bon ordre – les premiers colons accordent une grande importance à la loi et aux tribunaux pour ce qui est de régir l’indiscipline et de protéger la vie, la santé et les biens. au premier plan, une petite structure judiciaire s’occupe des cas les plus graves, souvent de la mauvaise façon, comme on a pu le constater (voir p. 124-125), mais l’ordre public est assuré en grande partie par des juges de paix locaux, des personnes éminentes qui n’ont pas peur de réglementer leurs voisins. Les magistrats locaux gèrent également les affaires des cantons, des districts et des pays – comme les chemins et les ponts.
La croissance démographique entraîne la coupe des forêts, l’étendue des cultures et l’augmentation de l’impôt de base. On ouvre des bureaux de poste non seulement dans les grandes villes mais aussi dans les villages éloignés. Les canaux se multiplient le long du saint-Laurent et en 1829, un premier canal joint le lac érié et le lac Ontario, le canal Welland.
Les canaux sont parfois des projets gouvernementaux, construits par les pouvoirs publics et leur appartenant entièrement, et parfois des entreprises privées, fortement subventionnées. Les canaux sont rapidement dépassés par les chemins de fer, la merveille de l’époque qui, en fin de compte, sont également payés par le public compte tenu du fait qu’il n’y a pas suffisamment de voyageurs ni de marchandises lors des trajets de longue distance pour les financer. Heureusement, grâce au gouvernement responsable, les représentants des citoyens au sein des assemblées législatives, c’est-à-dire les politiciens, approuvent volontiers les impôts servant à financer les canaux et les chemins de fer et, selon toute logique, une classe politique florissante, plus ou moins différente, apparaît dans plusieurs colonies. La population en général n’a qu’elle-même à blâmer pour ce résultat ; naturellement, les politiciens lui servent de boucs émissaires.
Ce système convient aux partis successifs, qui sont manifestement doctrinaires et qui découlent des batailles idéologiques des années 1830.
il y a les réformistes et les tories et ultérieurement, les conservateurs et les libéraux. Les noms ont peu de signification sur le plan de la gauche ou de la droite : dans les années 1860, la création du parti « libéral-conservateur »
capte l’essence du régime des partis. On associe les partis à des personnalités et les personnalités à certains intérêts bien admis. Les libéraux du Canada-Ouest, par exemple, tendent à suivre le brillant mais irascible éditeur du Toronto Globe, George Brown ou du moins lui accordent beaucoup 184
UnE HIsTOIRE dU Canada
d’attention. Brown, originaire d’écosse, est arrivé au Canada en passant par new York afin de prendre part à la politique confessionnelle de nature presbytérienne. il a une personnalité percutante, sinon dominante ; sous son influence, les libéraux perdent successivement plusieurs jeunes politiciens qui se retrouvent sous le protectorat du parti libéral-conservateur de John a. Macdonald.
Macdonald, également originaire d’écosse, est rusé alors que Brown est direct, et conciliant alors que Brown est rigide. On considère que Brown manque de charme et de considération envers les autres, tandis que Macdonald possède toutes ces qualités. Brown estime que Macdonald est un ivrogne sans principes alors que ce dernier considère Brown comme un sectaire borné. effectivement, Macdonald boit souvent à l’excès tandis que Brown écrit trop fréquemment au sujet des faiblesses des autres en ce qui a trait à leur religion et à leur race, en particulier les irlandais ou les Français catholiques. Par contre, Brown comprend que le compromis est nécessaire dans un régime d’alternance des partis et Macdonald accepte qu’on doive faire place aux idées plus larges en politique.
Macdonald a également la chance de trouver un partenaire canadien-français, George-étienne Cartier, un avocat montréalais et, comme beaucoup de ses confrères canadiens-français, un révolutionnaire en puissance13. Cartier a suivi Papineau, a tiré des leçons de son expérience et s’est joint au réformiste La Fontaine. il est l’héritier de la proposition d’association et de conciliation de LaFontaine ; il trouve des partenaires canadiens-anglais et établit avec eux de nouvelles bases politiques. Leurs demandes constitutionnelles étant satisfaites, les réformistes canadiens-français de Cartier réalisent que leurs intérêts et, croient-ils, ceux de leurs électeurs, laissent prévoir une coalition avec les conservateurs du Haut-Canada et, éventuellement, avec John a. Macdonald. Macdonald et Cartier, ou Cartier et Macdonald, dominent la politique de la fin des années 1850.
Les tarifs et les chemins de fer sont les grands projets des années 1850. de toute évidence, on accorde la priorité aux tarifs puisque le système administratif rudimentaire de l’époque considère qu’il s’agit du moyen le plus sûr et le meilleur de générer des recettes. On peut presque aller jusqu’à affirmer : pas de tarifs, pas de gouvernement. Les politiciens coloniaux réalisent en observant leurs voisins du sud que les états américains semblent vivre dans une grande prospérité grâce à l’utilisation adéquate et créative de leurs revenus. Quel est le secret de la prospérité ? Les Britanniques ont abandonné les tarifs pour des raisons de principe et la Grande-Bretagne a prospéré. Par conséquent, la population britannique reçoit de la nourriture à prix abordable, et l’industrie britannique, des ressources à bas prix en 8 • de colonies à provinces