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L’élément moteur de l’union est le mécontentement présent dans l’ouest de la province du Canada, l’ancien Haut-Canada, appelé parfois Canada-Ouest. essentiellement de langue anglaise, plus nombreux que les Français du Bas-Canada (appelé aussi Canada-est) mais condamnés à une représentation égale à l’assemblée législative, les habitants du Haut-Canada réclament majoritairement une « représentation selon la population ». naturellement, les habitants du Bas-Canada résistent à tout changement qui risque d’affaiblir leur statut politique ou leur capacité de contrôler leur propre société, majoritairement de langue française. L’assemblée législative canadienne est paralysée, puisque aucun parti ou aucune combinaison de partis – il en existe quatre, deux pour chaque section – ne peut disposer d’une majorité ferme.
Finalement, en juin 1864, les chefs de trois des quatre partis, George Brown (libéral), John a. Macdonald (conservateur) et George-
étienne Cartier (conservateur) conviennent de former un gouvernement de coalition avec pour objectif une union fédérale. il s’avère que les conservateurs du Bas-Canada, intéressés à retrouver l’autonomie qu’ils ont perdue en 1840 lors de l’union des deux Canadas, ont des intérêts parallèles à ceux des libéraux du Haut-Canada. Le Haut-Canada et le Bas-Canada seront divisés mais ils seront également unis dans le cadre d’une union plus globale qui incluera, si possible, les colonies de l’atlantique. Justement, les trois provinces maritimes, le nouveau-Brunswick, la nouvelle-écosse et l’Île-du-Prince-édouard, se proposaient de tenir une conférence pour discuter de l’union maritime. en l’apprenant, le gouvernement canadien laisse entendre qu’il aimerait être invité.
des délégués des quatre colonies se rencontrent à Charlottetown au début de septembre 1864. assez curieusement, l’idée d’une union coloniale s’avère intéressante et on décide de se réunir de nouveau à Québec, le 10 octobre. Les quatre colonies qui se trouvaient à Charlottetown ainsi que terre-neuve participent à la conférence de Québec. On assiste de nouveau à un large consensus, si bien que la conférence de Québec donne lieu à soixante-douze résolutions qui définissent la manière de diriger une fédération coloniale.
Le processus n’est pas entièrement harmonieux mais la question principale relative à une association fédérée de colonies cause peu de frictions. La distribution des pouvoirs, qui donne beaucoup plus d’autorité au gouvernement central proposé qu’aux provinces, ne donne lieu à aucun différend majeur. en ce qui concerne les provinces, il y en aura six : les quatre colonies de l’atlantique et les provinces redivisées du Haut-Canada et du Bas-Canada – l’Ontario et le Québec. On discute également, de façon plus approfondie, de la composition du nouveau Parlement fédéral 194
UnE HIsTOIRE dU Canada
et des caractéristiques de ses deux chambres, la Chambre des communes et le sénat. Mais il n’y aura qu’une seule entité constituée d’éléments constituants fédérés, qui sera appelée Canada. sa capitale sera Ottawa, la nouvelle capitale canadienne, où on construit les édifices grandioses du Parlement, en vue de recevoir le nouveau Parlement canadien. La conférence est ajournée à la fin d’octobre et on recommande les conclusions aux assemblées législatives des différentes colonies.
Le parcours du nouveau projet de « confédération » n’est pas sans heurts. terre-neuve hésite et continue d’hésiter à mesure que l’opposition à la Confédération s’intensifie. Finalement, terre-neuve se désiste, jusqu’en 1949. Le gouvernement du nouveau-Brunswick, dirigé par samuel Leonard tilley, se rend aux bureaux de vote et se fait battre à plate couture par un gouvernement anti-confédéré. Le gouvernement de la nouvelle-
écosse, dirigé par Charles tupper, n’a pas besoin de risquer une élection puisqu’il a été élu l’année précédente, en 1863 ; tupper fait donc adopter le projet par son assemblée législative, même s’il est évident que beaucoup s’y opposent, 65 pour cent de la population, estimera-t-on plus tard. tupper n’a qu’à s’accrocher au pouvoir jusqu’à ce que la Confédération se concrétise, ce qui signifie la faire adopter par le Parlement impérial à Londres. À l’Île-du-Prince-édouard, les forces locales sont trop puissantes. L’île est trop petite ; elle serait absorbée et ignorée au sein d’une fédération aussi grande et peuplée que le « Canada ». en 1865, la Confédération n’est pas gagnée dans les Maritimes.
L’appui le plus solide envers le projet de Confédération vient de la province du Canada mais même là, le degré d’appui est discutable, en particulier dans le Bas-Canada. Les libéraux locaux, appelés les « rouges », ou les « Reds », dénoncent la Confédération comme une fraude. Les conservateurs de Cartier, ou les « Bleus » (les « Blues »), soutiennent que la Confédération représente une victoire pour les Canadiens français parce qu’elle leur donne finalement un lieu qui leur est propre, la future province de Québec, au sein de laquelle ils constitueront la majorité incontestée. C’est vrai, répliquent les rouges, mais les principaux pouvoirs gouvernementaux sur les chemins de fer, le télégraphe, la poste, le commerce et l’impôt reviennent au nouveau gouvernement fédéral.
afin de donner le résultat escompté, le « Canada » doit inclure au moins les colonies continentales, tandis le nouveau-Brunswick est déterminant. Heureusement, le gouvernement anti-confédéré de cette province a été dissous en 1866 et remplacé par une administration pro-confédérée sous le durable tilley. tout le brouhaha que font les Fenians à la frontière ne nuit pas à la situation et encourage les sentiments de solidarité avec l’empire et les autres colonies pouvant contribuer à la défense du nouveau-Brunswick.
8 • de colonies à provinces