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croissance la plus fulgurante est celle des têtes grises, le nombre des gens du troisième âge augmentant de façon soutenue.
il faut toutefois ajouter que le nombre de résidants canadiens nés en asie du sud, en extrême-Orient, en afrique, dans les antilles et en amérique latine croît fortement. Pendant les années 1990, le nombre total d’immigrants, 2,2 millions, est le plus élevé de tout le vingtième siècle, bien qu’en proportion de la population, l’immigration ait été plus forte entre 1901 et 1910. L’équilibre des religions change lui aussi. Les catholiques romains sont les plus nombreux, comme c’est le cas depuis de nombreuses années : ils représentent 43 pour cent de la population. Le groupe religieux suivant est celui des « aucune religion », avec 16 pour cent, les diverses sectes protestantes se retrouvant plus bas dans la liste, l’église Unie du Canada d’abord (avec 9,6 pour cent), suivie des anglicans (avec 6,9 pour cent) ; deux pour cent de la population se déclarent musulmans et 1,1 pour cent, juifs6.
C’est dans les plus grandes villes, toronto, vancouver et Montréal, que les effets de l’immigration sont les plus visibles bien qu’aucune collectivité de quelque taille qu’elle soit n’y échappe. des politiciens, indo-canadiens, sino-canadiens et, plus tard, latino-canadiens commencent à prendre du galon au sein d’un régime politique qui s’adapte aux nouvelles réalités ; déjà, les italo-Canadiens sont bien emplantés. en 2001, c’est un indo-Canadien, le sikh Ujjal dosanjh, qui est le premier non-blanc à accéder au poste de premier ministre en Colombie-Britannique, signe éloquent des changements survenus dans une province où le racisme dirigé contre les asiatiques était encore consacré par la loi dans les années 1940 et où on refusait autrefois le droit de vote aux « Orientaux » aux élections provinciales.
L’immigration n’est pas exclusivement de la migration d’entrée. La population autochtone du Canada a connu une croissance importante à la fin du vingtième siècle. Celle-ci est d’abord le reflet d’une mortalité infantile beaucoup moindre après 1950, ensuite d’un taux de natalité supérieur à la moyenne, qui atteint un sommet en 1967, environ dix ans après celui du baby boom dans le reste du pays. (Pendant les années 1990, le taux de natalité des autochtones est d’environ 1,5 fois celui de l’ensemble du pays, ce qui représente une forte baisse par rapport aux années 1960 tout en demeurant remarquable.) autre élément important : la plus grande prise de conscience des enjeux et de l’identité autochtones et la tendance subséquente pour beaucoup de gens à être fiers de leur ascendance autochtone. au recensement de 2001, cela débouche sur une population se définissant elle-même comme autochtone (les Premières nations, les inuits et les Métis) de 3,3 pour cent. Parmi ceux-ci, la moitié environ (49 pour cent) vit dans les villes, principalement à Winnipeg, edmonton, saskatoon et vancouver. C’est à saskatoon que l’on retrouve la proportion la plus élevée d’autochtones au 460
UnE HIsTOIRE dU Canada
sein de la population (9 pour cent) alors que Winnipeg suit juste derrière (affichant, en outre, un nombre absolu plus élevé) avec 8 pour cent.
Pendant les années 1970, le gouvernement fédéral s’efforce de répondre à cet afflux d’immigrants en mettant en place un programme de multiculturalisme. On soupçonne ce dernier de n’être qu’une nouvelle façon pour les politiciens (surtout les libéraux) de flatter bassement les communautés ethniques établies7. sur un ton plus sérieux, il est la cible de critiques parce qu’on le considère comme un obstacle au développement d’un quelconque sentiment d’appartenance au Canada. L’un des critiques les plus connus est neil Bissoondath qui, dans un ouvrage qu’il publie en 1994
sous le titre Le marché aux illusions : la méprise du multiculturalisme, condamne le multiculturalisme parce qu’il concentre les groupes d’immigrants dans des ghettos ethniques, ce qui a pour effet de diviser les Canadiens plutôt que de les réunir. Les partisans du multiculturalisme y voient une voie vers l’équité entre les divers groupes mais surtout entre les nouveaux arrivés et les « Canadiens de souche » d’ascendance européenne ; ce faisant, le multiculturalisme favorise la satisfaction, à défaut de l’unité comme telle8.
DE L’AGiTATiOn AU qUéBEc
au début des années 1990, c’est au Québec que le mécontentement se fait le plus entendre. il n’y a rien de nouveau à cela ; la nouveauté tient dans le fait que la majorité de l’opinion francophone dans la province opte désormais pour le séparatisme, une des conséquences de l’accord du lac Meech. il s’est exprimé dans l’élection d’un fort contingent séparatiste (le Bloc Québécois) à la Chambre des communes aux élections d’octobre 1993 et l’on s’attend à ce que les séparatistes remportent haut la main les prochaines élections provinciales au Québec, prévues au plus tard en 1994.
Le premier ministre libéral, robert Bourassa, a dirigé sa province avec doigté en dépit d’un certain nombre de pièges politiques après 1990.
Mais, en 1994, il est évident, malgré les talents légendaires de Bourassa pour déconcerter les gens, qu’il préfère voir le Québec demeurer au sein du Canada. au début de l’année 1994, de graves ennuis de santé l’obligent à démissionner comme premier ministre, poste auquel il est remplacé par daniel Johnson fils, un de ses ministres, fils et homonyme d’un ancien premier ministre.
C’est Johnson qui va mener les libéraux à la défaite aux élections de 1994 au Québec, par une faible marge toutefois si l’on s’en tient au vote populaire9. La victoire des séparatistes du Parti québécois en termes de sièges est importante : soixante-quatorze contre quarante-sept (le trouble-17 • nouveau millénaire, nouvel univers