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Chamberlain tente sa chance. il évite la confrontation avec Hitler lorsque ce dernier annexe l’autriche en mars 1938 et cherche activement un compromis lorsqu’Hitler concocte une crise avec la tchécoslovaquie au mois de septembre suivant. au cours d’une conférence tenue a Munich et qui se termine sous les puissants feux de la rampe, Chamberlain accède à presque toutes les concessions demandées par Hitler, rend indéfendable ce qui reste de la tchécoslovaquie et s’assure qu’Hitler pourra l’avaler quand il le voudra, ce qu’il fera en mars 1939.
vu sous un angle purement diplomatique, l’apaisement des années 1938 et 1939 est une triste histoire de naïveté, de duperie et de folie. On peut cependant le voir sous un autre angle, celui des hommes politiques de l’époque. Chamberlain et King n’oublient pas que le gouvernement britannique de 1914 a été la cible de critiques pour ne pas avoir mis tout en œuvre pour éviter la guerre, que la diplomatie des mois de juillet et août 1914 regorgeait de dissimulations et qu’on a par la suite sacrifié des millions d’êtres humains pour une cause qu’ils ne pouvaient espérer comprendre, encore bien moins résoudre. en 1938 et 1939, la diplomatie ne tombe pas dans ce travers. tout le monde peut se rendre compte de la perfidie, de la sauvagerie et de la témérité d’Hitler ; même le plus aveugle des critiques doit admettre que les alliés, la Grande-Bretagne et la France, ne veulent pas d’une guerre. Quand la guerre éclate et qu’Hitler envahit la Pologne en septembre 1939, personne ne peut prétendre que les allemands ont été provoqués ou que les Britanniques ont été trop belligérants.
il se produit un dernier entracte impérial avant le déclenchement de la guerre. aux mois de mai et juin 1939, le roi George vi et sa consort, la reine elizabeth, arrivent au Canada pour une visite royale planifiée de longue date. George est le respectable frère cadet du Prince de Galles à la vie dissolue, qui a été brièvement roi en 1936 (sous le nom d’édouard viii) avant de laisser la couronne à son frère quand ses ministres (dont Mackenzie King, auquel on a demandé son avis) se sont opposés à son choix d’une divorcée américaine comme princesse consort.
d’après un historien saskatchewanais, cette visite constitue
« l’événement de la décennie » dans des Prairies frappées par la sécheresse et appauvries. La réception du couple royal en dit long sur l’attitude et la loyauté des Canadiens pendant les années 1930. Le 25 mai à regina, 100 000 personnes attendent sous la pluie le passage du roi et de la reine.
La foule dépasse la population de la ville mais le fait le plus ébahissant est leur réception à Melville, en saskatchewan (dont la population s’élève à 4 000 personnes) le 3 juin : 60 000 personnes venues d’aussi loin que le Manitoba ou le dakota du nord attendent pendant des heures sous une indication peinte sur l’élévateur à grain de l’endroit, où l’on peut lire :
« Welcome to their majesties » (Bienvenue à vos Majestés)17.