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du gouvernement pour en attirer d’autres, de la nouvelle-angleterre et du Québec, se révèlent futiles.) des Mennonites, germanophones et pacifistes, arrivent au Manitoba en provenance de russie, heureux de s’installer dans un pays où ils échapperont à la conscription. C’est au Manitoba que la transformation est la plus spectaculaire. La population provinciale passe de 25 000 personnes en 1871 à 152 000 en 1891. Mais alors qu’il y avait à l’origine un équilibre démographique entre protestants et catholiques et entre anglais et Français, dans les années 1890, le Manitoba est très majoritairement protestant et anglophone.
Plus à l’ouest, sur les contreforts des rocheuses, apparaît un secteur de l’élevage. Bien que semblable à certains égards au secteur de l’élevage au sud de la frontière, le régime foncier est différent, tout comme la composition sociale des éleveurs. (Les terres sont louées aux gouvernements selon un système adopté du modèle australien plutôt que la préemption par des squatteurs comme c’est le cas aux états-Unis10.) Les éleveurs se servent du nouveau chemin de fer, celui du CP, pour expédier leur produit : le premier quartier de bœuf albertain arrive en angleterre en 1886.
LES cHEminS DE FER ET LA pOLiTiqUE nATiOnALE
vers l’ouest, le chemin de fer apporte des fournitures pour les agriculteurs des plaines, dont beaucoup sont fabriquées au Canada. Le prix de la construction du Chemin de fer Canadien Pacifique comportait une garantie de monopole de la part du gouvernement. À l’époque, face à un Ouest désert, cela semblait une bonne affaire. Plus tard, à mesure que l’Ouest se peuple d’agriculteurs-électeurs, il devient évident qu’il y a un prix politique à payer. La politique du Manitoba porte sur la question du Canadien Pacifique et le monopole qu’il exerce sur le trafic ferroviaire.
Mais le Canadien pacifique ne représente qu’une petite partie des liens qui unissent les citoyens de l’Ouest au centre et à l’est du Canada. ses voies sont parallèles à celle de la liaison entre le centre et l’est assurée par le chemin de fer intercolonial, propriété du gouvernement, qui en est aussi l’exploitant, l’intercolonial offre récompenses et emplois aux partisans du gouvernement dans l’est et contribue à étayer la structure de favoritisme et d’influence qui caractérise la politique de partis à la fin du dix-neuvième siècle11. Le Canadien Pacifique et le Grand tronc, s’embarrassant moins de détours, donnent de l’argent au parti au pouvoir, que celui-ci peut alors dépenser à sa guise sous forme de faveurs ou de pots-de-vin12.
Les chemins de fer font davantage que traverser l’immensité canadienne : ils l’ouvrent au secteur des affaires, aidés en cela par le 214
UnE HIsTOIRE dU Canada
développement simultané du secteur de l’électricité dans les années 1880.
L’ère de l’électricité vient compléter plutôt que supplanter l’ère de la vapeur.
d’origine lointaine et coûteux quoique abondant, le charbon est remplacé, pour ce qui concerne le Canada central, par l’hydroélectricité tirée des rapides et des chutes des rivières de l’Ontario et du Québec. Les plus impressionnantes de ces chutes, celles du niagara, sont surtout devenues une attraction touristique depuis le dix-huitième siècle. avec l’arrivée de l’électricité, elles deviennent une destination d’un genre différent, puisqu’on y trouve l’une des plus grandes centrales hydroélectriques au monde.
dans le nord de l’Ontario et du Québec, l’électricité et des ressources abondantes en eau permettent d’implanter des scieries puis des usines de pâtes et papiers au milieu de la forêt boréale. des équipes de dynamiteurs employées par le secteur ferroviaire découvrent du nickel près de sudbury ; on y inaugurera bientôt une énorme mine de nickel.
Les gouvernements s’ingèrent activement dans l’économie.
L’agriculture est le secteur d’activité le plus important au Canada et, pour la plupart, les Canadiens dépendent directement ou indirectement des exploitations agricoles. Le gouvernement fédéral crée des fermes expérimentales pour favoriser la productivité agricole et étendre l’agriculture à des régions jusque-là considérées comme trop froides ou trop sèches pour essayer de l’y implanter. Les provinces s’essaient à l’éducation en agriculture. Une campagne fédérale de relevés géologiques, menée avant la Confédération, permet d’explorer la géographie souterraine du Canada et d’en publier les résultats. Les gouvernements subventionnent les chemins de fer pour qu’ils assurent leur service public, construisent canaux et docks, et draguent rivières et ports.
il n’y a à cela rien d’inhabituel ou de différent par rapport aux pratiques en cours à la même époque aux états-Unis. Grosso modo, les percées technologiques sont les mêmes dans les deux pays. ainsi, l’électricité fait son apparition au Canada quelques années après sa première application aux états-Unis. La mise au point du téléphone, autre invention des années 1870, est en fait partagée entre les deux pays puisque son inventeur, alexander Graham Bell, partage lui-même son existence entre les deux.
Les américains, eux aussi, subventionnent les chemins de fer, se lancent en amateurs dans l’assistance technique aux agriculteurs et aux mineurs, et pratiquent d’autres formes d’intervention gouvernementale dans l’économie.
il vaut la peine d’insister sur ce point étant donné la tendance ultérieure, parmi les chercheurs et autres idéologues, à faire état d’un écart entre le Canada, société monarchique, axée sur le gouvernement et cultivant les valeurs communautaires, et les états-Unis, une république autonome et favorisant l’individualisme. On trouve peu de preuves permettant de 9 • expansion eT désillusion, 1867–1896