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travail de tout premier plan tout en demeurant actif au sein des cercles du Parti conservateur.
Mulroney s’est adapté sans difficulté au droit du travail. C’était dans sa nature de concilier les réclamations syndicales et les préoccupations des patrons. il avait du charme, une nature impitoyable dans un certain sens et une ambition manifeste. il avait aussi le flair pour la publicité et sa renommée était suffisamment grande pour qu’il devienne un candidat plausible au poste de chef national des conservateurs en 1976. défait par Joe Clark, il a attendu son heure, tout en soignant sa réputation et sa prospérité en devenant président de la Compagnie minière iOC, l’iron Ore, une entreprise appartenant à des américains spécialisée dans l’extraction du minerai de fer de l’Ungava en vue de son transport vers les aciéries du Midwest américain. il est devenu une des figures de proue de la société montréalaise et a cultivé soigneusement ses relations conservatrices à Montréal et ailleurs. en 1983, il s’en est servi pour aider Joe Clark à quitter le poste de chef conservateur : Mulroney était son remplaçant naturel.
dans le régime canadien d’alternance des partis, les conservateurs représentent la seule option possible pour remplacer les libéraux. Le nouveau chef libéral, John turner, ne parvient pas à impressionner les électeurs, pas suffisamment en tout cas pour leur faire oublier vingt ans de griefs contre trudeau et son parti. Mulroney écrase le malheureux turner dans un débat électoral télévisé – ce genre d’émission est alors devenu incontournable dans les campagnes électorales fédérales – et mène son parti à la majorité du vote populaire et un nombre total de sièges de 211 sur 282 à la Chambre des communes. étant parvenu à l’emporter dans sa propre circonscription de vancouver, turner est condamné à poursuivre la lutte à la tête d’un parti qui a perdu bien des plumes et a failli se faire dépasser par le tiers parti, le nPd, en nombre de sièges.
Comme nous l’avons vu, la première priorité de Mulroney consiste à se débarrasser du Pen honni. Mais que va-t-il faire ensuite ? La réserve de politiques gouvernementales se révèle presque vide. Comme la plupart des partis de l’opposition, les conservateurs ont fait campagne contre le gaspillage et l’extravagance et Mulroney met sur pied un groupe d’étude sous la direction de son vice-premier ministre, erik nielsen, en vue de les éliminer. Mais le gaspillage et l’extravagance jouent à peu près le rôle des cosmétiques en politique ; ils servent de fard rouge sur le visage corrompu du pouvoir. Comparés aux postes budgétaires importants du gouvernement, comme les dépenses sociales, le gaspillage et l’extravagance ont une importance toute relative et il en va ainsi avec le gouvernement Mulroney.
Ce dernier a cherché à convaincre les Canadiens qu’il ne toucherait pas à leurs programmes de bien-être social, comme les pensions et l’assurance-maladie, et il ne le fera pas. il n’y aura donc pas de révolution conservatrice 436
UnE HIsTOIRE dU Canada
dans les finances publiques. Bien que les conservateurs profitent d’une meilleure conjoncture économique, ils se retrouvent avec un gros déficit et une dette nationale en hausse.
Mulroney et ses ministres sont encalminés, tandis que les premiers murmures de scandale se font entendre autour de son gouvernement.
ils ne font pas grand-chose. Les forces armées canadiennes obtiennent de nouveaux uniformes, calqués sur le vieux modèle interarmées qui a été abandonné dans les années 1960. au même moment, le ministre de la défense de Mulroney est obligé de démissionner après avoir laissé sa serviette, avec sa cargaison supposée de secrets d’état, dans une boîte de nuit en allemagne. Le premier ministre se met en quête d’une nouvelle politique, de quelque initiative marquante susceptible de donner un but et une image positive à son gouvernement.
il en existe une, aussi vieille que le pays lui-même et c’est le libre-
échange avec les états-Unis. La création du Canada a reposé partiellement sur le rejet du libre-échange par les états-Unis dans les années 1860 et cela est demeuré un sujet de discussions animées en politique canadienne –
quoique ce ne fut pas le cas en politique américaine – pendant les cinquante années suivantes. Petit à petit, les relations commerciales avec les états-Unis se sont améliorées jusqu’au point où, dans les années 1980, plus de 80 pour cent des exportations canadiennes aux états-Unis arrivent au sud de la frontière exemptes de droits.
Les agents fédéraux responsables du commerce au Canada s’inquiètent. L’économie états-unienne est plus vulnérable et moins prospère qu’autrefois. Les américains connaissent un déficit commercial perpétuel alors que le cœur de leur industrie, situé au sud des Grands Lacs, s’étiole à mesure que les emplois se déplacent vers le sud ou le sud-Ouest, des régions plus chaudes et moins syndiquées, ou carrément vers le Mexique.
Mulroney n’a pas à le leur rappeler : la baisse des expéditions de minerai de fer depuis Baie-Comeau jusqu’à Cleveland signale le déclin de la production sidérurgique américaine et son remplacement par des importations d’outre-mer. Les législateurs américains se mettent à inventer de nouvelles façons de protéger les producteurs états-uniens contre la concurrence étrangère et certaines de ces mesures frappent les exportations canadiennes. vu sous cet angle, les 80 pour cent et plus d’exportations canadiennes à destination des états-Unis pourraient représenter aussi bien un passif qu’un actif si les américains décidaient d’empêcher les échanges commerciaux.
Le Canada compte des amis aux états-Unis, le plus important étant le président américain, le républicain ronald reagan (de 1981 à 1989).
reagan ne connaît pas grand-chose du Canada mais ce qu’il en connaît lui plait. Certains de ses amis lorsqu’il était acteur à Hollywood étaient 16 • marasme eT explosion dans les années 1980