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finira pas atteindre 10 600 hommes, dont 403 y perdront la vie19. Mais il ne s’agit pas là de l’ensemble, ni même de la partie la plus importante, de la réaction au déclenchement de la guerre.
La guerre de Corée est inattendue et elle déjoue la plupart des calculs de l’Ouest face aux intentions des soviétiques. Le gouvernement du Canada considère staline et son régime comme un phénomène très désagréable mais non directement dangereux. selon les diplomates canadiens, staline vise surtout à préserver le régime communiste en russie, puis à rebâtir une économie et une société dévastées par la guerre et la perte de vingt millions de personnes qui en a résulté. si ce n’est pas le cas, ce que semble indiquer l’expérience coréenne, il faut alors se prémunir contre une agression soviétique ailleurs dans le monde. La Corée est un épiphénomène, pauvre, sous-développé, isolé, mais dangereux si les américains s’y laissent engloutir trop loin ou se laissent envahir par une panique inconsidérée devant l’évolution de la guerre20. C’est l’europe qui est l’enjeu de toute confrontation entre l’est et l’Ouest et c’est là qu’il faut concentrer les efforts.
À partir du printemps de 1950, le gouvernement du Canada enclenche le processus de mobilisation. La taille des forces armées fait plus que doubler, on achète du nouveau matériel et l’on prévoit un budget de 5 milliards de dollars en réarmement. en collaboration avec les états-Unis, on construit des lignes de radars dans le nord canadien pour prévenir les incursions des bombardiers soviétiques. Une brigade renforcée est expédiée en europe dans le but de constituer le noyau d’une future armée canadienne outre-mer. On dépêche aussi une division aérienne qui, dans les années 1950, formera une grande partie de l’établissement militaire de l’Otan en europe. La marine est renforcée : on y ajoute un porte-avions et des navires d’escorte. tous ces efforts exigent beaucoup d’argent, ce qui se traduit par une militarisation du budget canadien : pendant les années 1950 et le début des années 1960, c’est la défense qui représente le principal poste budgétaire.
Les affaires étrangères sont, en quelque sorte, en état de crise permanente, ce qui a un effet au Canada. sur le plan de l’opinion publique, les conséquences n’en sont que trop manifestes. Présent depuis la révolution de 1917 en russie, l’anti-communisme canadien se confirme, allant même jusqu’à s’institutionnaliser. Les communistes, tout en ne constituant qu’une infime minorité, sont considérés comme suspects, comme des agents soviétiques en puissance. il n’est pas nécessaire de s’en faire pour leur impact politique. Jamais le Parti Communiste du Canada n’a été déclaré hors-la-loi même s’il a été placé sous surveillance. il n’y a aucun risque de voir les Canadiens se tourner vers le communisme et, en réalité, pendant les années 1950, le soutien politique au communisme est en chute libre. La 350
UnE HIsTOIRE dU Canada
popularité de la résistance face au communisme, qui trouve sa principale incarnation dans l’Otan, ne se dément pas.
L’Otan est différente de ce que souhaitaient voir ses fondateurs.
elle s’est militarisée et, depuis son quartier général situé à Paris, sous le commandement d’un général américain, elle planifie la défense de l’europe occidentale contre une attaque soviétique. Celle-ci ne surviendra pas et l’on doute aujourd’hui qu’elle aurait pu se matérialiser un jour. Bien qu’il y ait des moments de préoccupations, de panique même, au cours des dix années qui suivent – surtout en 1961, lorsqu’il semble que les soviétiques pourraient marcher sur la force d’occupation isolée de Berlin – le danger soviétique en europe paraît s’atténuer. Mais à mesure qu’il s’atténue en europe, il semble croître ailleurs, en asie. Cela se révèle être un type de lutte différent et cela suscite un type de réaction différent au Canada.
LE cAnADA ET LA Fin DE L’EmpiRE
Le déclin de la puissance britannique transforme les relations du Canada avec le reste du monde et finit par avoir une incidence sur les institutions et l’équilibre politique au Canada. Ce dernier a toujours fait partie d’un empire, français, britannique ou catholique romain, et les identités canadiennes sont étroitement liées à l’identité, réelle ou supposée, de leur empire.
au départ, on note un certain optimisme face au remplacement éventuel de l’empire britannique par le « Commonwealth britannique des nations ». Une nouvelle reine, élisabeth ii, occupe le trône : sur le plan économique, la Grande-Bretagne commence à récupérer de la guerre ; et certains des vieux acteurs fiables de la politique britannique, particulièrement le vénéré Winston Churchill, occupent toujours la scène.
Pour la première fois, le Canada prend part à une campagne d’aide au développement, par l’entremise du Plan de Colombo, appelé ainsi d’après le nom de la ville où s’est tenue une réunion du Commonwealth en 1950. très tôt, le Canada confère une importance véritable à l’influence exercée sur les états nouvellement indépendants au sein du Commonwealth, surtout l’inde. du seul point de vue de la population, on ne peut s’empêcher de voir dans les nations qui viennent d’accéder à l’indépendance un élément important de l’équilibre mondial21 ; et si l’Ouest ne les aide pas et n’assure pas leurs intérêts, les communistes le feront.
Parmi la population canadienne, certains sont bien conscients que de nombreux pays de l’asie indépendante éprouvent de l’aversion ou à tout le moins de la méfiance envers les grandes puissances occidentales, la Grande-13 • des Temps Bénis, 1945–1963