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Une Loi du service naval est promulguée selon les règles en 1910, des bases navales sont créées à Halifax et esquimalt, où la Marine royale se trouvait autrefois, et, tandis que sont construits les propres navires du Canada, on fait l’acquisition de deux navires de guerre britanniques supplémentaires, un pour chacune des côtes. de l’avis de l’opposition et des Canadiens favorables à l’empire, ce n’est pas assez. Une « marine de fer blanc », raillent les critiques.

aux yeux des nationalistes franco-canadiens, c’est beaucoup trop.

dans des élections complémentaires tenues en 1910 dans le comté de drummond-arthabaska, au cœur du Québec rural, l’opposition habille ses représentants dans des costumes bleus et les envoie, à titre d’officiers navals, effectuer un recensement des jeunes hommes aptes à devenir militaires. Ce sera pour la marine de Monsieur Laurier, expliquent-ils sur un ton affable aux électeurs. Le candidat de Laurier essuie bien sûr la défaite.

L’opposition tâte aussi de l’élixir du scandale pour déloger les ministres libéraux de leur poste en lançant le slogan « les femmes, le vin, le trafic d’influence » mais, si leurs efforts soulèvent la passion de la presse, ils n’ont aucun effet sur la majorité de Laurier. tout comme son chef, le parti vieillit cependant et les ministres sont fatigués. « Je porte allègrement les années qui s’accumulent sur ma tête, mais je n’ai plus la même ardeur à la lutte. Je fais aujourd’hui par devoir, parce qu’il le faut, ce qui autrefois était

‘the joy of strife’ », écrit Laurier en décembre 1909. Le gouvernement réalise quelques progrès sur le plan de la politique de la conservation et des lois du travail mais il en faudrait davantage pour montrer qu’il marche vraiment avec son temps. seul un ministre, Mackenzie King, qui a trente-six ans, pourrait véritablement être taxé de jeune et Laurier lui-même aura bientôt soixante-dix ans.

Pour aider le premier ministre à se concentrer, les agriculteurs de l’Ouest envoient des délégations à Ottawa en 1910 pour réclamer des mesures concernant toute une série de questions agricoles. La plus importante de ces revendications concerne les tarifs, dont profitent les fabricants de l’est en obligeant les agriculteurs consommateurs de l’Ouest à acheter, à gros prix, des marchandises fabriquées au Canada. simultanément, les agriculteurs doivent vendre leur produit, des céréales, sur le marché mondial. On rappelle à Laurier que, grâce à l’immigration, il y a désormais beaucoup plus d’agriculteurs, et de gens de l’Ouest, qu’auparavant. Le Canada risque de perdre son équilibre politique, et ce, au détriment du gouvernement.

La chance et le choix du moment approprié représentent des atouts importants en politique et Laurier, pendant la plus grande partie de sa carrière, a vu la chance lui sourire. Cela semble être encore le cas quand l’administration républicaine de William Howard taft en vient à la 256

UnE HIsTOIRE dU Canada

conclusion qu’elle aussi a un problème avec ses agriculteurs de l’Ouest. À

l’instar de leurs cousins canadiens, les américains de l’Ouest se plaignent de tarifs douaniers élevés et ils font part au président de leur mécontentement.

Confronté à la révolte des républicains de l’Ouest, taft, soucieux de faire la preuve que son gouvernement à les intérêts des agriculteurs à cœur, cherche à obtenir la réciprocité avec le Canada. Les négociateurs canadiens et américains signent rapidement une entente de restauration du libre-

échange pour les produits naturels tout en la limitant pour les produits manufacturés. Laurier vient de toucher le gros lot : l’entrée libre des produits agricoles canadiens sur le marché américain et le maintien pour l’essentiel des tarifs protecteurs auxquels les fabricants canadiens tiennent tant. C’est un ministre des Finances triomphant qui annonce la signature de l’entente le 26 janvier 1911 à la Chambre des communes.

Les conservateurs, eux, sombrent dans le plus grand désespoir.

aux prises avec un chef peu inspirant, Borden, et malchanceux dans leurs stratagèmes, ils viennent de se faire assommer par l’arme ultime en politique canadienne. La réciprocité, c’était le rêve d’une génération, toujours hors de portée cependant en raison du refus américain de ne fût-ce que l’envisager.

en situation désespérée, les conservateurs s’en remettent à la solution de dernier recours des politiciens : un appel au principe.

Fort heureusement, une occasion se présente. sir John a. Macdonald s’est opposé à la réciprocité sans restriction en 1891 en lançant un appel au patriotisme envers l’empire britannique. Cela pourrait fonctionner à nouveau. Laurier a gravement sous-estimé l’attachement des fabricants canadiens à la protection tarifaire. Les hommes d’affaires libéraux, qui se sont laissés apaiser par la conversion au protectionnisme des libéraux en 1893, se montrent inquiets face à la perspective de la réciprocité. dirigés par sir Clifford sifton, l’ancien ministre des affaires intérieures de Laurier, ils se rassemblent autour de Borden. Les conservateurs ont recours à toutes sortes de tactiques pour gagner du temps au Parlement jusqu’à ce que Laurier, au bord de l’exaspération, déclenche des élections pour le mois de septembre 1911. il est persuadé d’avoir tous les atouts en main pour l’emporter.

Laurier fait un mauvais calcul. au Canada anglais, les conservateurs ont le monopole sur le côté patriotique de deux questions : les bruits alarmistes d’une guerre navale et la réciprocité. L’exagération aidant, celle-ci devient bien davantage qu’un accord commercial débouchant sur la prospérité. elle devient plutôt la pente savonneuse menant à l’annexation.

« il nous faut décider, lance robert Borden, si c’est l’esprit du canadianisme ou celui du continentalisme qui doit prévaloir sur la moitié septentrionale du continent. » nulle autre personnalité politique que le président de la Chambre des représentants aux états-Unis l’a dit : il espère voir le jour 10 • explosion eT marasme, 1896–1914

Une histoire du Canada
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