LES pREmiERS HOmmES

Les archéologues baptiseront Paléo-indiens les premiers habitants de l’amérique du nord. Les Paléo-indiens migrent simultanément vers le nord et vers le sud, pour finir par atteindre la terre de Feu en amérique du sud et la limite forestière au bord de la toundra dans le nord. Ces hommes chassent en bandes de quinze à cinquante membres, armés de lances munies d’une pointe en pierre éclatée, appelée pointe de Clovis en raison du lieu de leur découverte, près de Clovis, au nouveau-Mexique.

À mesure que le climat se réchauffe, la culture de Clovis évolue pour prendre une forme plus élaborée, caractérisée par une population plus dense, que les archéologues appelleront culture indienne archaïque.

On considère aujourd’hui qu’il s’agit d’une période d’adaptation pendant laquelle les peuples de l’amérique du nord se différencient selon le lieu qu’ils habitent et où apparaissent de nombreuses langues et cultures locales.

Les populations, qui se comptent alors en centaines, peuvent tabler sur une quête de nourriture plus soutenue et plus prévisible. L’alimentation de base demeure centrée sur la viande ou le poisson, mais, dans les forêts de l’est, on consomme et on cultive, semble-t-il, des plantes indigènes comme l’ail du Canada et l’on exploite le tournesol pour ses graines et son huile. Plus à l’ouest, dans les Grandes plaines, le climat fluctue entre des sécheresses extrêmes et des pluies semblables à ce que nous connaissons aujourd’hui ; cela a un effet sur le gros gibier (comme le bison) et, donc, sur l’approvisionnement alimentaire. Par conséquent, la population des plaines 1 • Terre auTochTone

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présente des fluctuations marquées. il semble que cette période donne lieu à des migrations démographiques, créant des liens entre les dénés du nord-ouest canadien et les navaho du sud-ouest américain, qui appartiennent tous au groupe des langues athapascanes. il se peut que les dénés eux-mêmes arrivent en amérique du nord plus tard que d’autres groupes linguistiques.

Puis, il y a la côte nord-ouest, celle qui s’étend du nord de la Californie jusqu’à la péninsule de l’alaska. recouverte d’une forêt dense, caractérisée par un climat doux, des pluies abondantes et des réserves inépuisables de poisson, cette région sera dénommée « paradis des chasseurs-cueilleurs3 ».

Grâce à un approvisionnement alimentaire fiable et au fait que la région échappe aux conditions climatiques extrêmes que connaît la plus grande partie du reste de l’amérique du nord peut se développer une culture riche et socialement complexe le long des côtes de la Colombie-Britannique.

La clé en est le saumon, qu’on y trouve en abondance. La possibilité de pêcher le saumon et de contrôler les meilleures régions de pêche devient la base de la richesse de cette région. Un archéologue définira la culture de la côte nord-ouest comme caractérisée par une « stratification sociale d’esclavage héréditaire », tandis qu’un autre soulignera son « inégalité sociale héréditaire » et son « établissement semi-sédentaire avec des villages hivernaux permanents4 ». Ces caractéristiques sont déjà réelles il y a environ deux mille ans.

enfin, il reste l’extrême-arctique, le semi-désert frigide au nord de la ligne des arbres sur le continent nord-américain et dans l’archipel de l’océan arctique. dans cette région, il ne sera jamais question d’agriculture : il faut chasser sur les floes et dans les terres stériles. Les Paléo-esquimaux se répandent de l’alaska jusqu’au Groenland et le long de la côte du Labrador jusqu’à terre-neuve (l’utilisation du terme Esquimau varie selon le lieu et la date : au Canada et au Groenland, depuis 1970 environ, le terme Inuit a remplacé le terme Esquimau, qui demeure toutefois encore en usage dans sa version anglaise Eskimo en alaska). dominante entre deux mille ans et mille ans avant nos jours, la culture dorset a la plupart des caractéristiques de la culture inuite qui lui succèdera ; ce sont sans doute les esquimaux de cette culture qui établissent les premiers contacts avec les européens le long de la côte de l’atlantique.

Les peuples autochtones des amériques traversent le continent du nord au sud, du sud au nord, d’ouest en est, d’abord principalement à pied, bien que de petites embarcations, des canoës et des kayaks, fassent leur apparition il y a au moins deux mille ans. en eurasie, toutefois, on a construit de grands bateaux pour naviguer dans les eaux côtières des océans atlantique, Pacifique et indien, et il arrive que d’intrépides marins se lancent à la découverte de l’inconnu.

 

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il semble totalement inutile et certainement peu rentable de s’éloigner des terres au point de les perdre de vue, surtout dans le glacial océan atlantique et, vu le chaos et l’appauvrissement de la société européenne après l’an 500 de l’ère chrétienne environ, les voyages vers l’ouest tiennent davantage du hasard que d’intentions délibérées. il existe cependant une façon de traverser l’atlantique sans trop s’éloigner des terres : en partant de scandinavie et en passant par divers archipels de petites îles jusqu’aux grandes îles de l’islande et du Groenland. et c’est précisément ce que font de petits groupes de marins scandinaves aux neuvième et dixième siècles, débarquant en islande en 874 et au Groenland un siècle plus tard, en 986

(on connaît mieux ces marins scandinaves sous le nom de vikings). ayant créé plusieurs établissements dans ces deux îles, aux alentours de l’an 1000, les vikings s’aventurent plus loin, jusqu’au « vinland » sur la côte nord-est de l’amérique du nord avec, à leur tête, le premier homme dont l’histoire canadienne retiendra le nom, Leifr eiriksson. en 1960, on découvrira le site probable de cet établissement sur la côte nord de terre-neuve, à L’anse-aux-Meadows. il s’agit sans conteste d’un site scandinave ; certains mettent cependant encore en doute aujourd’hui le fait qu’il s’agisse également du vinland.

Les scandinaves découvrent que le vinland, ou la terre aux alentours, n’est pas inhabité. À plusieurs reprises, ils se mesurent aux autochtones, qu’ils appellent skraelings, et quand les scandinaves repartent, les skraelings restent sur leurs positions.

On pense généralement que les skraelings sont des esquimaux de la culture dorset, qui vivent de la chasse à la baleine, au phoque et à d’autres mammifères marins le long des côtes du Labrador et de terre-neuve (comme l’attestent leurs sites à terre-neuve, les esquimaux de la culture dorset sont le seul peuple esquimau à vivre au sud de la limite des arbres). ils ouvriront la voie à la culture thulé, plus avancée sur le plan technologique et disposant de meilleures armes et de meilleurs bateaux.

Ce sont les inuits de la culture thulé qui occuperont toutes les côtes de l’arctique à l’ère historique.

au sud, le caractère des sociétés vivant dans les bois le long du littoral est et dans la région des Grands Lacs évolue lui aussi. Plus au sud, au Mexique, l’agriculture se développe au point où le concept des Cités-états devient possible, créant de grands centres urbains de richesse et de pouvoir.

Ceux-ci leur viennent du maïs, qui est domestiqué et cultivé au Mexique, d’où il se répand graduellement vers le nord dans le sud des états-Unis aux alentours de l’an 200 de notre ère. encouragé par le climat favorable de l’époque – la période de réchauffement médiéval, comme on l’appellera, qui attire également les scandinaves de l’autre côté de l’atlantique –, il poursuit sa progression vers le nord. Le maïs ne deviendra une céréale importante 1 • Terre auTochTone

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dans ce qui est aujourd’hui le sud du Canada que plusieurs centaines d’années plus tard, aux alentours de l’an 900 de notre ère, et encore sera-t-il à cette époque beaucoup plus petit et sans doute plus difficile à cultiver que le maïs tel que nous le connaissons aujourd’hui. si l’on parvient à le cultiver à cette époque, c’est essentiellement grâce à la production d’une variété qui prend moins de temps à pousser et qui peut être récoltée pendant des périodes de végétation plus brèves.

L’agriculture modifie la culture des peuples des régions des Grands Lacs et de l’atlantique et met en place, parallèlement à la Colombie-Britannique, le fondement d’une population plus vaste, d’un établissement plus permanent et d’une société plus hiérarchisée. elle attire les ancêtres des iroquois, qui se déplacent au nord du fleuve susquehanna, refoulant les ancêtres des algonquins, qui fuient plus loin vers l’est et le nord jusqu’à la côte atlantique, l’Ungava et le Bouclier canadien et demeurent essentiellement des chasseurs-cueilleurs. Ce sont ces sociétés que les européens trouveront et décriront aux seizième et dix-septième siècles.

au sud des Grands Lacs, bien qu’ils débordent à certains endroits jusque dans le sud de l’Ontario moderne, se trouvent les constructeurs de tumulus, dont le centre principal, situé à Cahokia, en indiana, compte sans doute une population aussi grande que celle de nombreuses villes européennes contemporaines. Cahokia démontre aussi les limites de l’horticulture nord-américaine car les cultures de ses habitants épuisent le sol. La pénurie de nourriture entraîne la chute de la ville. Cahokia est abandonnée avant l’an 1500 et, en 1600, les constructeurs de tumulus et leurs villes ne sont plus que de lointains souvenirs.

il ne faut cependant pas déduire de l’absence de grandes villes ou de métropoles dans le nord et le centre de l’amérique du nord que la population du continent est négligeable ; elle est toutefois très dispersée.

elle est en outre en proie à la maladie et aux malheurs de la guerre. Bien qu’au quinzième siècle, les nord-américains soient à l’abri des fléaux des maladies eurasiennes, comme la variole, ils ne vivent pas plus longtemps que leurs contemporains européens (les chercheurs ne s’entendent pas non plus sur l’existence de certaines maladies comme la malaria ou la syphilis en amérique préeuropéenne). On a estimé que l’espérance de vie moyenne des hommes en amérique du nord est alors comprise entre vingt-cinq et trente ans, soit la même qu’en europe ou à peu près. en ce qui a trait à la population totale, comme le conclut une enquête menée récemment,

« les controverses sont nombreuses ». Pour la population nord-américaine vivant au nord du rio Grande, la fourchette est comprise entre 900 000 et et 200 000 000 de personnes. Les deux chiffres semblent peu probables et les chercheurs ont tendance à s’en tenir à des chiffres allant de deux à sept millions5.

 

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On peut tirer de l’exemple des iroquois la signification détaillée de ces chiffres élevés. Le groupe des langues iroquoiannes se divise en deux : la langue du sud (le cherokee) et les langues du nord (l’iroquois, le huron, le pétun, le neutre, le susquehannah et le wenro). Les iroquoiens du nord vivent au nord et au sud du bassin inférieur des Grands Lacs ; un autre groupe d’iroquoiens, qui vit dans la vallée du saint-Laurent, disparaîtra pendant le seizième siècle. selon l’archéologue dean snow, les iroquoiens du nord étaient quatre-vingt-quinze mille en tout au début du dix-septième siècle, avant que les européens aient un impact important sur eux. il s’agit là du chiffre le plus élevé dans leur histoire. Les présages d’une catastrophe sont omniprésents autour d’eux mais personne n’arrive à les lire6.

Une histoire du Canada
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