355
perdre élections après élections, un record de cinq d’affilée entre 1935 et 1953. Mais grâce à l’affaire du canal de suez, à saint-Laurent et à Pearson, les conservateurs reprennent courage à l’automne de 1956. Une fois de plus, le sentiment impérial reprend de la vigueur alors que les orateurs conservateurs condamnent la trahison de la Grande-Bretagne par Pearson.
en 1956 comme en 1939, la place du Canada était aux côté des Britanniques, soutiennent-ils, qu’il s’agisse de combattre Hitler ou « le Hitler du nil », selon le surnom donné à nasser. Le Canada est divisé sur cette question (ce n’est pas le cas au Canada français) et les orateurs conservateurs reprennent sans cesse ce thème, signe évident de l’impact qu’il a. il s’avère que les Canadiens ne savent trop quelle position leur pays a adoptée ni laquelle il devrait adopter. La faiblesse inattendue du gouvernement dans l’opinion publique en matière de politique étrangère vient désormais s’ajouter à sa faiblesse dans un autre domaine, l’énergie ou, plus précisément, la sécurité des approvisionnements énergétiques.
LA pOLiTiqUE énERGéTiqUE
Chauffage et éclairage se trouvent ou devaient se trouver au cœur de la politique canadienne. si l’on a pu coloniser le Canada, c’est parce qu’il se trouvait, à proximité des établissements, des sources de chaleur, mais à mesure que la population s’accroît, il devient impossible de se chauffer au bois. au dix-neuvième siècle, le Canada a extrait du charbon en nouvelle-
écosse et, plus tard, en alberta ou l’a importé de Pennsylvanie, tandis que l’énergie tirée du charbon et de la vapeur a alimenté la croissance des villes et l’étalement des chemins de fer. C’est l’électricité qui a permis aux villes de s’élever et de s’étendre, alors que le transport urbain bon marché florissait et que les faubourgs s’étalaient. Les Canadiens aimaient à croire que l’électricité provenait des puissantes rivières et des chutes d’eau du pays et ils avaient en grande partie raison de le faire. Mais même à son apogée, l’énergie d’origine hydraulique ne suffisait pas à la tâche et, dans une grande partie du Canada, on utilisait du charbon pour chauffer les chaudières qui produisaient l’électricité ou on convertissait le charbon en gaz artificiel.
Pendant la première moitié du vingtième siècle, les villes canadiennes étaient noires de suie et jonchées de déchets industriels, mais cela avait toujours été le cas : la pollution faisait partie des réalités quotidiennes et des conditions du progrès et de la prospérité.
Pendant la Grande Guerre, il a fallu rationaliser l’électricité et le combustible et, pendant les années 1920 et 1930, les gouvernements provinciaux se sont occupés d’approvisionner résidences et usines en énergie sous forme d’électricité. ainsi, le gouvernement de l’Ontario, faisant 356
UnE HIsTOIRE dU Canada
preuve d’optimisme s’est tourné vers le Québec pour acheter l’énergie nécessaire à son industrie alors même que le spectre de la Crise se précisait.
Faisant preuve cette fois de pessimisme, le gouvernement de l’Ontario a ensuite dépensé des milliers de dollars en frais juridiques – alimentant à tout le moins ainsi un secteur économique – pour se sortir de ses obligations contractuelles, avant de se retrouver face à une pénurie d’énergie une fois de plus lorsque la demande d’électricité a atteint de nouveaux sommets pendant la deuxième Guerre mondiale. après la guerre, le gouvernement de l’Ontario est confronté à des baisses de tension alors qu’il s’efforce d’équilibrer l’approvisionnement en électricité et la demande. Le premier ministre de la province juge utile de faire du dirigeant d’Ontario Hydro, la société provinciale d’électricité, le bouc émissaire pour ces baisses de tension en le congédiant. il semble que cela ait très peu d’incidence sur l’approvisionnement énergétique, même si cela améliore le quotient de paroles en l’air de la province. Lentement, le Canada se met à construire des centrales thermiques – de 2,6 millions de kilowatts, en 1957, sa capacité de production d’énergie thermique passera à 9,3 millions en 196728.
Le ministre fédéral du Commerce dans les années 1950, C.d. Howe29, est le même qui a présidé à la production de guerre du Canada et, par conséquent, à son approvisionnement énergétique. il n’aime pas voir son pays tout au bout de la chaîne d’approvisionnement en gaz naturel américain ou à la merci du pétrole vénézuélien acheminé jusqu’au marché de Montréal par un oléoduc traversant le Maine. Bien sûr, les américains sont de bons voisins et des fournisseurs fiables mais, en cas d’urgence, l’approvisionnement en combustible, carburant et électricité ne dépend plus du marché international de l’énergie mais du gouvernement américain.
Howe préfère trouver son énergie au Canada : il y a cependant un problème de géographie et de géologie. Pour des raisons géographiques, dans les années 1940, les sources d’énergie hydraulique, lointaines et coûteuses, demeurent inexploitées, tandis que la géologie n’a laissé que deux petits champs pétrolifères, l’un près d’edmonton et l’autre dans le sud-ouest de l’Ontario30. Même s’il devrait y avoir d’autres réserves de pétrole en alberta, personne n’est parvenu à les découvrir.
Jusqu’en 1947 en fait, alors qu’on parvient à exploiter un puits éruptif à Leduc, au sud d’edmonton. Howe s’en réjouit, imité en cela avec au moins autant de bonnes raisons, par le gouvernement provincial de l’alberta, qui voit sa province devenir l’équivalent canadien du texas, elle qui n’était qu’une bande démunie de prairie sèche. si l’on parvient à mettre sur le marché ce pétrole et le gaz naturel qui l’accompagne, le Canada bénéficiera d’un approvisionnement énergétique sûr et, ce n’est nullement un hasard, d’une bien meilleure balance des paiements, puisque 13 • des Temps Bénis, 1945–1963