Expansion et consolidation

La pêche à la morue à terre-neuve au dix-huitième siècle, avec des vigneaux sur le rivage.

 

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EnTre 1663 eT 1713, l’équilibre des pouvoirs en amérique du nord bascule. au cours des années 1660, les colonies européennes situées le long de la côte est s’accrochent au rivage, dépendantes qu’elles sont des nations indiennes voisines pour leur sécurité et leur prospérité. il n’est plus question de simple survie, mais leur expansion future est fragile et incertaine.

Les événements survenus dans les années 1660 ont modifié la forme et l’avenir des établissements européens en amérique du nord, les transformant, de colonies pauvres mais dépendantes qu’ils étaient, coincés entre la crainte de la prochaine attaque indienne et l’attente de l’arrivée du prochain ravitaillement par vaisseau, en émanations provinciales des grandes puissances d’europe occidentale, la France et l’angleterre. Comme les événements survenus en europe occidentale à la fin du dix-septième siècle seront déterminants pour la suite des choses en amérique du nord, nous nous intéresserons à des circonstances qui échappent totalement au contrôle des établissements en amérique mais qui se révéleront essentiels pour le développement de cette dernière.

LA cOnTRiBUTiOn DE L’EUROpE

à L’éDiFicATiOn DE L’AméRiqUE

Le sort des colonies dépend des périodes de guerre et de paix.

Lorsqu’arrivent les années 1660, l’europe se trouve presque en permanence en état de crise depuis 150 ans, des guerres suscitées par la religion et l’ambition ayant dévasté le centre du continent. en France, un monarque a été assassiné – Henri iv en 1610 – et en angleterre, un roi, Charles ier, a été décapité en 1649, moment où l’on a établi une république. Les troubles de l’ordre ont préoccupé la France et les îles Britanniques pendant toutes les années 1640 et 1650.

dans ces circonstances, les gouvernements ont eu d’autres choses à faire que de se préoccuper de leurs colonies. Pourtant, à mesure que les guerres faisaient rage, les gouvernements ont compris qu’il était possible de mieux s’organiser pour mener une guerre plus efficace. Plus tard, la cessation presque simultanée des troubles de l’ordre public en France et en angleterre après 1660 offre aux gouvernements l’occasion de se renforcer en vue d’autres guerres éventuelles. simultanément aussi, les gouvernements commencent à imaginer une façon d’utiliser leurs colonies.

C’est la stabilité nationale qui s’impose en premier. ne sachant plus à quel saint se vouer dans les années 1659 et 1660, le gouvernement républicain anglais négocie le retour de la monarchie sous les traits du fils 39

 

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du roi exécuté, Charles ier. Charles ii quitte sa terre d’exil, la France, et la cour de son cousin, Louis Xiv, pour rentrer à Londres en mai 1660. il déclare ne plus vouloir repartir en voyage et gouverne l’angleterre avec toute la prudence que lui permet la situation difficile du pays. Car, bien que le feu de la controverse religieuse soit couvert, il n’est pas éteint : la rivalité entre protestants et catholiques, ainsi qu’entre diverses sectes protestantes, dominera la politique anglaise pendant le règne de Charles et après celui-ci.

Charles n’est pas seulement roi d’angleterre, mais aussi d’écosse et d’irlande (il revendique également le trône de France, quoiqu’il y ait des siècles qu’un monarque anglais n’a plus permis que cela mette en péril les relations normales et généralement pacifiques entretenues avec la France). Pour la plupart, les écossais sont protestants, mais l’écosse comprend une minorité catholique active, tandis que les irlandais sont en majorité catholiques avec une minorité protestante d’immigration récente.

dans ces trois royaumes, le catholicisme est officiellement supprimé et les catholiques sont frappés, à divers degrés, de persécution ou d’incapacité de la part de l’état. Ce dernier est représenté par des parlements protestants qui demandent – exigent – des concessions de leur monarque aux aguets.

Charles gouverne mais, dans l’absolu, il ne dirige pas le pays. C’est là un compromis peu commode, illogique même, mais la situation l’exige.

de nombreuses familles sont de religion mixte et cela comprend la famille de Charles ii, les stuarts. sa grand-mère et sa mère sont catholiques, de même que son frère, le duc d’York. Bien qu’il ait des penchants catholiques, Charles n’en souffle mot à quiconque ; il se sait monarque protestant à la tête d’un peuple farouchement protestant. agir autrement mettrait son trône, voire sa tête, en péril.

Louis Xiv fait montre de compréhension envers l’imbroglio politico-religieux de Charles mais aussi d’un certain dédain. ayant lui-même assisté à des troubles civils lorsqu’il était enfant, il est déterminé à éviter que cela se répète. il se met en tête de devenir un monarque absolu et y parvient.

il ne tolérera pas que des parlements, des élections ou des sujets viennent entraver ses décisions royales. Les états généraux, l’assemblée des ordres du royaume, ont tenu leur dernière assemblée sous le règne du père de Louis en 1614. il faudra attendre 1789 pour les voir se réunir de nouveau.

Louis voit aussi le protestantisme français d’un mauvais œil. son grand-père a déjà été protestant, ou Huguenot, et a conféré à cette secte un statut de secte protégée. Pour sa part, le petit-fils, croyant en « un roi, une foi, une loi » uniques, révoque cette protection en 1685, poussant des centaines de milliers d’Huguenots à l’exil dans des colonies protestantes plus accueillantes, dont les colonies anglaises d’amérique. Le nombre d’exilés huguenots dépasse en tout cas largement la mince couche de population de 3 • expansion eT colonisaTion

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catholiques croyants attirée par la colonisation des terres du roi outre-mer, principalement la nouvelle-France.

dans le régime gouvernemental de Louis, il n’y a pas de place pour un ministre en chef ; ayant dû supporter trop de conseillers à la puissance démesurée dans sa jeunesse, le roi est déterminé à ne pas revivre cette expérience. Mais il n’est pas opposé au recours à des ministres de talent, surtout dans le domaine financier. Les finances sont le moteur de la guerre et celle-ci est un élément essentiel de la politique du roi. L’industrie produit les instruments pour se battre en plus de rapporter des impôts. La politique économique française est remodelée pour encourager l’industrie nationale tout en décourageant les achats à l’étranger. et ce qu’on ne peut fabriquer en France, peut-être le trouvera-t-on dans les colonies – les fourrures dans le cas de la nouvelle-France, le sucre dans celui des îles françaises des indes-Occidentales.

Pour faire fonctionner l’économie et recueillir des impôts, Louis fait appel à Jean-Baptiste Colbert comme contrôleur général des finances (de 1662 à 1683). Bon gestionnaire, Colbert rembourse la dette nationale, restructure le système fiscal et encourage l’industrie, surtout les secteurs qui soutiendront l’expansion du pays. il encourage en particulier la construction navale, en vue du commerce outre-mer et de la marine, afin de protéger la navigation et de renforcer la puissance nationale.

sur la plan de l’équilibre des forces en europe, la France jouit d’un avantage : elle compte la plus vaste population de tous les états d’europe occidentale et d’europe centrale, a des frontières logiques et en grande partie défendables et, grâce à la fermeté du gouvernement de Louis, elle connaît la paix à l’intérieur de ses frontières. La population soutient une grande armée, comptant des centaines de milliers d’hommes, la plus grande armée en europe occidentale depuis l’empire romain. vu l’abondance des ressources financières – et, avec le temps, celle des impôts prélevés –, le roi peut payer, nourrir et habiller ses troupes en uniforme, ce qui a des effets bénéfiques sur l’obéissance et la discipline.

Le territoire français s’étend rapidement, et l’influence française plus encore. il y a même une petite guerre avec le cousin Charles ii d’angleterre, de l’aveu général, une tentative sans conviction de soutenir l’allier temporaire de Louis, les Pays-Bas, en 1665-1667. Heureusement, Louis n’est pas en mesure d’attaquer les îles Britanniques : ses ambitions sont autres et ses armées de plus en plus puissantes et professionnelles marchent vers là où l’ambition et la gloire le lui dictent. en ce qui a trait aux colonies, la guerre est à moitié terminée avant que les pouvoirs coloniaux, anglais ou français, sachent même qu’elle a été déclenchée.

Cette guerre ne donne donc pas lieu à de graves hostilités entre la France et l’angleterre en amérique, mais elle transforme la géographie 42

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politique des régions côtières nord-américaines, au détriment de la nouvelle-France. Une expédition anglaise pénètre dans le port de new amsterdam, oblige la colonie hollandaise à se rendre et s’en approprie au nom de la couronne d’angleterre. rebaptisée new York, la ville et la colonie alentour deviennent province anglaise, reliant la nouvelle-angleterre au new Jersey (une autre acquisition). new York n’est pas la dernière expansion anglaise en amérique : sous Charles ii, de nouvelles colonies se créent en Pennsylvanie et en Caroline du nord et du sud – leurs noms leur viennent bien sûr de celui du roi.

Les Carolines et la virginie sont des régions éloignées, mais pas new York, et sa situation géographique est importante car le fleuve Hudson permet aux navires et aux approvisionnements de se rendre jusqu’à la frontière de la nouvelle-France. et le long de cette frontière vivent les iroquois, qui maintiennent en permanence un sentiment de peur au sein de la colonie.

Une histoire du Canada
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