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trois premiers ministres provinciaux, ceux de l’Ontario (Oliver Mowat), du nouveau-Brunswick (andrew Blair) et de la nouvelle-écosse (W.s.
Fielding), en plus du procureur général du Manitoba, Clifford sifton. À
l’exception de Mowat, qui n’est plus tout jeune, il s’agit d’hommes vigoureux et de politiciens puissants et, s’ils peuvent se mettre au service de Laurier, les électeurs anglo-saxons peuvent à coup sûr lui faire confiance eux aussi.
en 1877, Laurier avait insisté sur le « développement » et ce terme exige quelques explications. Laurier et sa génération de politiciens considèrent le Canada comme un pays « jeune ». L’image la plus répandue à l’époque est soit celle d’une femme jeune mais vertueuse – « notre-dame des neiges », pour reprendre l’expression du barde impérial rudyard Kipling – ou comme un jeune homme costaud, vertueux lui aussi, et prometteur mais pas encore arrivé à sa pleine maturité. selon Laurier, le Canada a besoin de temps et d’espace pour atteindre à la fois maturité et prospérité. « Les perspectives du Canada sont véritablement énormes », pour reprendre les termes d’un enthousiaste de l’époque, mais ce ne sont que cela, des perspectives, pas concrétisées encore et il faut laisser au Canada le temps d’en tirer profit.
L’éLABORATiOn DE LA pOLiTiqUE
en matière économique, Laurier est optimiste, comme la plupart de ses concitoyens, et cela constitue certes une des raisons de sa popularité auprès des électeurs. il a aussi la chance de son côté car son accession au pouvoir coïncide avec une reprise économique et une ère de prospérité.
Les coûts du transport chutent, ce qui offre un meilleur accès au marché européen. Les méthodes de culture s’étant améliorées (on peut citer l’exemple du blé Marquis), les plaines canadiennes arides et sujettes au gel revêtent tout à coup un nouvel attrait. il n’est pas surprenant que les immigrants se lancent vers les « meilleures terres nouvelles », la prairie canadienne, essentiellement vierge, et qu’ils choisissent ce moment pour le faire.
Laurier confie à son ministre de l’intérieur, Clifford sifton, la tâche de peupler la prairie. Ce dernier cherche à attirer les immigrants par la publicité, quoique, vu la situation, ils y seraient sans doute venus de toute façon. il étend sa récolte de migrants à l’europe de l’est, amenant des empires russe et autrichien au Canada des slaves, surtout des Ukrainiens. Cela soulève parmi les Canadiens conservateurs des animosités ataviques, que le Parti conservateur cherche maladroitement à exploiter au cours de diverses élections fédérales. du coup, le travail qui reste à faire à stifton s’en trouve allégé : il est le premier, mais pas le dernier, politicien libéral à rappeler aux immigrants qu’ils sont arrivés au Canada sous un gouvernement libéral.