LA REcOnSTRUcTiOn ET LA REcOnVERSiOn
Les familles et les enfants ont besoin de logements et il en manque. Le logement représente un besoin social, mais c’est aussi un outil économique et, comme tel, il cadre avec la politique de « reconstruction »
du gouvernement. en fait, c’est un grand mot qui ne recouvre pas grand-chose. Cela signifie reconstruire, concevoir à neuf, faire quelque chose de différent. sur le plan structurel ou économique, il ne se passe rien, bien que l’on propose de nombreuses idées nouvelles. La plus grande de toutes est le socialisme, l’appropriation par le gouvernement des moyens de financement et de production. Moins radicale mais néanmoins impressionnante est la notion selon laquelle le gouvernement devrait « diriger » l’économie en se servant des outils que des « planificateurs » mettent à sa disposition, dans l’esprit de bien des gens, le prolongement de ce qui a si bien réussi pendant la guerre.
Le gouvernement King rejette ces deux options. de l’avis du ministre responsable, Howe, la micro-planification va au-delà de la capacité ordinaire du gouvernement17. Par contre, les ministres sont prêts à accepter la macro-planification, l’idée selon laquelle le gouvernement devrait en général superviser l’économie et gérer les conditions économiques par des 340
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ajustements dans les niveaux d’imposition et de dépenses, bien que, pour la plupart d’entre eux, il s’agisse d’une notion bizarre et complexe.
Le gouvernement aborde la question du logement en suivant une politique à deux volets : d’abord, autant que possible, il faut faire la promotion de la propriété ; ensuite, il faut laisser au secteur privé le soin de construire des logements. Le gouvernement encourage les prêts hypothécaires et adopte une loi pour en faciliter l’accès. il met aussi de l’argent en vue de l’acquisition d’un logement à la disposition des anciens combattants et abolit les contrôles sur les approvisionnements le plus rapidement possible. C.d. Howe, le ministre responsable de la reconstruction de l’économie civile, reste sourd aux protestations qui, souvent, proviennent du monde des affaires, peu attiré par le chaos à court terme occasionné par l’établissement du marché du logement et déçu par l’absence de subventions gouvernementales. Comme l’écrit Howe à un homme d’affaires de premier plan, dans un contexte légèrement différent, l’idée est de remettre les affaires dans les mains de l’entreprise privée.
si, au terme de cinq années de guerre, le gouvernement fédéral trouve étrange, quoique tentante, la notion de planification, le retard qu’accusent les provinces est beaucoup plus important. tout d’abord, elles ne comptent pas beaucoup de talents dans leurs bureaucraties en mal d’argent. Pendant les années 1930 et, surtout, pendant la guerre, Ottawa attirait les jeunes talents comme des mouches. C’était là que se trouvait le centre d’intérêt et l’intérêt demeure après 1945. Les provinces n’exercent pas ce genre d’attrait. en 1941, le gouvernement fédéral s’est servi de son pouvoir prédominant, sur le plan constitutionnel mais bien plus encore sur le plan politique, pour harceler les provinces jusqu’à ce qu’elles acceptent de renoncer à leurs recettes pendant toute la durée de la guerre et de recevoir, en lieu et place, une pension d’Ottawa pour leur permettre de remplir leurs fonctions les plus importantes. Même l’Ontario récalcitrant mais aussi le Québec libéral l’ont accepté.
Ces ententes viennent à expiration avec la guerre. Quoi qu’il en soit, aux yeux des économistes d’Ottawa, une bonne planification économique exige le maintien de la structure de fiscalité centralisée en place pendant la guerre afin d’assurer une bonne gestion macro-économique du pays. Qui plus est, les fonctionnaires espèrent profiter de l’élan attribuable à la réussite en temps de guerre pour procéder à la réforme du régime gouvernemental, prescrivant pour cela un état-providence intégral, y compris des rentes et des soins de santé subventionnés par le gouvernement, soit une sécurité
« du berceau au tombeau ». Bien sûr, la constitution confère aux provinces leurs propres sources de revenu et leur permet de la dépenser à leur guise mais il ne fait aucun doute qu’on pourrait transcender cette considération dans l’intérêt plus vaste du bien commun. Les consultations fédérales-13 • des Temps Bénis, 1945–1963