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Bataille opposant les iroquois et les algonquins avec leurs alliés français, en 1609.

Cette gravure de cuivre est basée sur un dessin tracé par samuel de Champlain.

 

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LEs EXpLORaTEURs du seizième siècle, qui ont esquissé le tracé des amériques, font place aux cartographes. Les cartes de ces derniers représentent plus ou moins les côtes de l’atlantique et du Pacifique, avec les échancrures des antilles et du golfe du saint-Laurent. au nord et à l’ouest, les traits se perdent, devenant d’abord imprécis puis fantasques. À

l’aube du dix-septième siècle, la route maritime de la Chine, le passage du nord-Ouest, continue d’attirer les optimistes.

Le territoire est vaste et le risque d’erreur important. Peut-être les premiers explorateurs ont-ils négligé des possibilités ou ne se sont-ils pas aventurés assez loin. se pourrait-il qu’il y ait un trou dans la côte du Labrador ? se pourrait-il que le continent septentrional ne soit qu’un isthme, comme Panama, et que le Pacifique se trouve juste derrière ?

La possibilité demeure également que le territoire lui même vaille la peine qu’on s’en empare. Les espagnols ont trouvé de l’or au Mexique et au Pérou. Les Français et les anglais ne pourraient-ils les imiter ? si le passage du nord-Ouest se trouvait juste derrière la courbe suivante dans la côte, l’or se trouverait juste derrière le cap suivant. Ce doit être vrai ; sinon, à quoi tout cela aurait-il servi ? Les rivages du nord du continent sont froids, rocailleux et battus par les vents – « la terre que dieu donna à Cayn », pour reprendre la phrase célèbre de Jacques Cartier. Cette terre « n’a aucune valeur », a affirmé un espagnol au roi Charles ier en 1541. Laissons-la aux Français.

Ce conseil est tout à la fois sensé et peu perspicace. Le continent septentrional est bel et bien aride et éreintant et, pire que tout, glacé.

Pourtant, comme nous l’avons vu, certaines parties de l’amérique du nord rapportent déjà des profits, surtout la zone de pêche à la morue de terre-neuve. il arrive aux pêcheurs de débarquer sur le rivage et de se déployer à la recherche de bois ou de viande pour varier leur menu. ayant trouvé de la viande, ils trouvent aussi des fourrures, qu’ils rapportent en europe. La fourrure nord-américaine suscite d’abord la curiosité, mais celle-ci devient rapidement rentable. La fourrure est un produit de luxe en europe occidentale, où elle sert à décorer les robes des riches. transformée en feutre, elle sert dans la confection de chapeaux. La fourrure du castor nord-américain se révèle tout particulièrement utile et est très prisée. C’est ce rongeur peu avenant, avec ses dents oranges et sa queue écailleuse, qui finira par fournir aux européens le prétexte nécessaire pour venir faire du commerce dans le territoire qui deviendra le Canada, puis s’y établir.

s’ils ne pouvaient compter que sur leurs propres efforts, saisonniers et sporadiques, les européens ne feraient pas beaucoup de traite de fourrures.

Pour commercer, ils ont besoin de fournisseurs autochtones. C’est ainsi que 23

 

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s’établit un partenariat entre les marchands européens (surtout français) et les chasseurs amérindiens, ravis d’échanger leurs castors, ressource inépuisable en apparence, contre des outils en fer, des couteaux en acier et des armes à feu. Les amérindiens qui vivent le long de côtes sont avantagés car ils contrôlent l’accès aux européens qui, eux, ne s’aventurent pas à l’intérieur des terres.

Les deux parties profitent de ces échanges, si l’on exclut le coût des maladies que les commerçants apportent avec eux d’europe pour les communiquer aux indigènes. Pour les commerçants, la plus grande partie du dur labeur est faite par les indigènes, universellement connus sous le nom d’indiens en raison de la vieille croyance erronée selon laquelle les amériques se trouvent en bordure des îles aux épices de l’asie. Les marchandises échangées sont assez bon marché : du fer, du laiton ou des vêtements ou, rapidement, de l’alcool, vers lequel de nombreux indigènes se découvrent un attrait. Le métal – le cuivre – n’est pas inconnu des indigènes de l’est du continent nord-américain, mais il est rare et toujours mou. Les indigènes lui préfèrent le laiton, le fer et l’acier, que seuls les européens peuvent fournir.

dans la vallée du saint-Laurent, ce sont les Français qui prédominent. Leur intérêt envers les terres explorées et revendiquées pour la France par Jacques Cartier ne s’est pas démenti, mais ils sont pratiquement impuissants tant que la France est déchirée par les guerres entre catholiques et protestants. enfin, les guerres cessent en 1598, laissant sur le trône un protestant converti au catholicisme, Henri iv, qui pratique une politique de tolérance à l’endroit des catholiques et des protestants.

L’amérique bénéficie rapidement d’un regain d’intérêt en France.

Les gouvernements européens du début du dix-septième siècle manquent de ressources et de capacité pour envisager la colonisation.

dépourvus de grandes armées et de marines permanentes, ainsi que de compétences administratives uniformes, ils se fient à des entrepreneurs privés munis de chartes royales et motivés par l’espoir de réaliser des profits. Les chartes confèrent divers degrés de pouvoir monopolistique aux particuliers, souvent des nobles, qui ont alors entière liberté de faire ce qu’ils peuvent avec les vastes territoires de l’amérique du nord. en revanche, on s’attend d’eux qu’ils respectent les droits des autres chrétiens tout en soumettant les autres et en les convertissant au christianisme.

en 1604, une expédition vers l’amérique du nord est organisée sous la direction de Pierre du Gua, sieur de Monts. elle établit, dans la baie de Fundy, entre ce qui deviendra la nouvelle-écosse et le nouveau-Brunswick, un poste où, pour la première fois, les Français passent l’hiver.

Mais ces derniers font un choix peu avisé en s’installant sur une île, l’île 2 • Terre à coloniser

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sainte-Croix, où ils construisent des huttes dispersées et subissent un rude hiver. ils n’ont d’autre choix que de s’en remettre aux marchandises qu’ils ont apportées d’europe, ce qui signifie qu’ils manquent de nourriture fraîche et qu’ils meurent du scorbut, une maladie provoquée par le manque de vitamine C.

Fait remarquable, quelques Français (il n’y a que des hommes) parviennent à survivre à l’hiver. sachant que, s’ils doivent passer un autre hiver à sainte-Croix, ils connaîtront une mort certaine, ils se mettent à la recherche d’un autre emplacement plus salubre et le trouvent sur la rive sud de la baie de Fundy, en un lieu qu’ils appellent Port-royal.

Port-royal est mieux conçu et construit que l’établissement de l’île sainte-Croix ; c’est un quadrilatère plutôt qu’une série de huttes. il bénéficie aussi d’une meilleure gestion car la direction de la petite colonie est confiée à un cartographe et navigateur du nom de samuel de Champlain.

sans doute Champlain est-il issu d’une famille protestante aux alentours de 1570, mais, comme beaucoup d’autres protestants, il se convertit au catholicisme dans les années 1590. il provient d’une famille de marins et devient capitaine au service du roi. il devient en fait membre de la classe inférieure de la noblesse et ajoute le petit « de » à son nom, comme beaucoup d’autres à l’époque. Ce qui le caractérise, cependant, c’est sa grande détermination de créer un établissement français permanent dans le nord de l’amérique du nord.

au départ, il préfère l’acadie, le bassin de la baie de Fundy. Mais l’acadie n’a rien à offrir et il abandonne le site de l’île sante-Croix puis celui de Port-royal. il tente à nouveau sa chance en 1608. À titre de lieutenant de de Monts (une nomination officielle), il vogue vers le saint-Laurent au mois d’avril 1608 et arrive au défilé de Québec le 3 juillet. il y construit un poste de traite renforcé, une habitation, entourée de palissades et de larges fossés. il y sème aussi du blé et de l’orge, non que ces récoltes pourraient sauver son habitation de l’inévitable scorbut qui emporte seize des vingt-cinq personnes qui l’accompagnent.

Le rythme de la vie dans la colonie est dicté par ses communications avec la France. Le saint-Laurent est gelé de novembre à mai, de sorte que la colonie est alors isolée. La traversée est longue ; elle dure généralement de deux à trois mois, si bien que les commandes passées pendant une année sont remplies pendant la suivante. dans ces circonstances, la patience est bien davantage qu’une vertu et le moral un élément essentiel. Champlain n’hésite pas à avoir recours à des mesures impitoyables pour maintenir la discipline : pendant sa première année à Québec, il découvre un complot ourdi contre lui et ne tarde pas à pendre le chef de la bande.

 

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il survit au climat, au temps et aux conspirations et, ayant reçu du ravitaillement de France, part découvrir l’intérieur des terres à l’été de 1609. il se révèle un voyageur intrépide, le premier des centaines de voyageurs français à explorer l’intérieur du continent. il se fait aider pour voyager. il emmène deux Français avec lui, mais le gros de sa troupe est constitué d’algonquins et de Hurons, ces derniers étant un peuple de langue iroquoianne qui a fait alliance avec les algonquins et les Français pour échanger des fourrures. s’étant heurtés à la Ligue iroquoise des Cinq-nations sur les rives de ce qui est aujourd’hui le lac Champlain, algonquins et Hurons l’emportent au terme d’une brève bataille au cours de laquelle Champlain utilise une arme à feu, sa curieuse arquebuse, pour intimider l’ennemi. il semble que cela fonctionne.

après avoir effectué un voyage en France à l’hiver 1609-1610 pour faire rapport au roi Henri iv et son supérieur, de Monts, Champlain revient faire une nouvelle expédition et livrer une nouvelle bataille, au cours de laquelle il est blessé par les iroquois. il rentre à nouveau en France pour y passer l’hiver et, cette fois, pour s’assurer du soutien économique et politique qui garantira l’avenir de sa petite colonie. il y parvient et gagne à sa cause toute une série de commanditaires nobles et politiquement influents qui peuvent intercéder en sa faveur devant le nouveau roi, Louis Xiii. Fait tout aussi important, en 1613, il publie le récit de ses expéditions de 1604

à 1612, ses Voyages, qui assoient sa réputation d’explorateur héroïque et contribuent à consolider le sort de sa colonie émanant de la France.

Champlain poursuit ses explorations de l’intérieur des terres pendant les années qui suivent, établissant la carte de la rivière des Outaouais et d’une bonne partie du bassin des Grands Lacs. il survit aussi aux caprices de la politique française. Lorsqu’un commanditaire baisse dans l’estime royale, un autre y grimpe ; mais Champlain demeure le « lieutenant » responsable de la colonie du Québec, ou de la nouvelle-France (l’expression « nouvelle-France » remonte à 1529 ; c’est le nom qu’un cartographe a donné au territoire découvert et revendiqué au nom du roi de France).

À bien des égards, la nouvelle-France bénéficie de la chance. nul doute que son emplacement dans le nord glacial est favorable au scorbut, mais le rude hiver préserve ses habitants des autres maladies, comme la fièvre jaune1. Bien que le nombre de colons demeure restreint, la colonie bénéficie du tampon constitué par ses alliés indigènes et échappe aux guerres autochtones dévastatrices qui anéantiront presque la colonie anglaise de virginie.

La politique européenne représente cependant une menace constante. Champlain fait preuve d’une grande habileté dans la gestion de sa colonie face aux périls de la cour du roi. il s’attire les faveurs du 2 • Terre à coloniser

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ministre en chef du roi, le cardinal de richelieu, qui met sur pied, en 1627, la Compagnie des Cent associés, afin d’assurer la gestion et, surtout, le financement de la nouvelle-France. Champlain devient le représentant personnel du cardinal, fait qui ne garantit pas sa sauvegarde ni celle de sa colonie quand un flotte anglaise hostile remonte le saint-Laurent en 1629

(l’angleterre et la France sont en guerre depuis 1627). emmené en captivité en angleterre, Champlain ne revient à Québec qu’en 1633. en réalité, la paix a été signée avant la prise de Québec par les anglais, mais personne sur place ne pouvait le savoir. trouvant la traite des fourrures rentable, les anglais restent autant qu’ils le peuvent.

Cet intermède anglais ne fait pas progresser la situation de la colonie, mais il n’en sonne pas non plus le glas et Champlain est en mesure de rebâtir ce que les anglais ont détruit. il ne vit cependant pas assez longtemps pour assister à l’essor de sa colonie puisqu’il meurt à Québec en décembre 1635.

Les réalisations de Champlain n’en sont pas moins considérables.

suivant les traces de Cartier, il a obtenu au nom de la France le fleuve saint-Laurent, seule voie navigable jusqu’au cœur du continent, depuis les rochers de Gaspésie jusqu’aux Prairies, au-delà des Grands Lacs. La place occupée par Champlain à titre de géographe et d’explorateur est incontestable ; fait tout aussi important, c’était un agent publicitaire notoire et un promoteur infatigable, qualités qui l’ont aidé à éviter les écueils de la cour de France et à traiter avec une série de commanditaires riches et puissants. Comme il l’a prédit, sa colonie convient à l’agriculture ; au moment de sa mort, il y a de faibles tentatives d’exploitations agricoles, cultivant les espèces végétales qui peuvent s’adapter à la rigueur du climat.

néanmoins, la colonie de Champlain demeure extrêmement dépendante des apports réguliers d’argent et de faveurs du gouvernement français. Ce gouvernement qui, au cours des années 1620 et 1630, est résolument catholique et, en autant qu’une noblesse puissante et rebelle le permet, autoritaire. Les seuls membres du clergé autorisés à s’installer en nouvelle-France après 1608 sont catholiques et, en réalité, une partie de l’attrait exercé par la colonie réside dans le fait qu’elle offre un territoire pour les efforts missionnaires de l’église catholique.

Commerce et salut, voilà les éléments que les Français offrent en toute conscience aux indigènes d’amérique du nord à l’époque de Champlain et à celle de ses successeurs. À la France, la colonie apporte fourrures, profits et âmes, espérant en échange des investisseurs, des soldats et des colons.

Le gouvernement français a toutefois d’autres chats à fouetter. La France et l’espagne sont en guerre, un guerre coûteuse en argent et en 28

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soldats. après la mort de richelieu en 1642 et celle de Louis Xiii en 1643, la politique française est semée d’incertitudes, ce qui laisse en héritage au roi Louis Xiv, qui n’a que cinq ans, une régence difficile et une noblesse turbulente.

C’est pourquoi le gouvernement est heureux de laisser la nouvelle-France aux mains de la Compagnie des Cent associés, qui s’en occupe du mieux qu’elle peut. La Compagnie nomme un homme de petite noblesse, Charles Huaut de Montmagny, au poste de gouverneur – titre refusé à Champlain – avec pour mandat de financer, peupler, élargir et défendre la colonie. Un nouveau poste, trois-rivières, a été fondé en amont de Québec en 1634. Ce sont des préoccupations religieuses, tout autant que commerciales et de défense, qui justifient la fondation de Montréal en 1642 par le sieur de Maisonneuve. de plus, comme poste avancé contre les incursions iroquoises, Montmagny établit un fort au confluent de la rivière richelieu et du fleuve saint-Laurent en 1641.

Ce sont les finances qui laissent le plus à désirer dans les efforts de Montmagny. Jamais les Cent associés ne verront le moindre profit de leur colonie et, en 1645, ils jettent l’éponge, concédant le monopole sur la traite des fourrures à un groupe de commerçants locaux, la Communauté des Habitants, en échange d’une rente annuelle. sur d’autres plans, toutefois, la compagnie connaît davantage de réussite. sous son administration, un flux restreint mais constant d’immigrants arrive en nouvelle-France, portant la population à trois mille âmes – toutes catholiques selon les exigences gouvernementales – en 1663. il n’est guère facile de déplacer ou d’exterminer une telle population et, dans cette mesure à tout le moins, il faut qualifier de réussite modeste le travail de la Compagnie2.

LA HUROniE ET LES GUERRES iROqUOiSES

La nouvelle-France est davantage que la projection en amérique de l’europe ou de la France. C’est aussi un élément dans l’équilibre des pouvoirs, ou des forces, dans le nord de l’amérique du nord. L’apparition de Champlain sur un champ de bataille en 1609, dans un conflit entre algonquins et iroquois qu’il a de la difficulté à comprendre, est une preuve suffisante que le fait d’avoir les Français pour alliés peut peser très lourd dans une guerre. Mieux encore, avoir les Français comme partenaires commerciaux confère d’immenses avantages matériels mais aussi politiques.

C’est le lieu qui constitue la clé : se trouvant le long des itinéraires constitués par les lacs et les rivières du Québec, Hurons et algonquins peuvent être les intermédiaires entre les Français et les territoires regorgeant de castors situés au nord et à l’est des Grands Lacs. d’autres s’occuperont de la chasse 2 • Terre à coloniser

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et recevront ce que le Hurons seront prêts à payer ; les Hurons eux-mêmes vont traiter avec les Français.

Les Français ne sont cependant pas les seuls européens dans le nord du continent nord-américain. Les Hollandais ne sont pas loin derrière ; alors que Champlain s’approche par le nord, ils mènent leurs explorations depuis le sud, en remontant le fleuve Hudson. ils fonderont la nouvelle-amsterdam (aujourd’hui new York) puis Fort Orange (albany). Fort Orange se trouve aux portes orientales de la Confédération iroquoise des Cinq-nations et, bientôt, les iroquois eux aussi sont équipés d’armes européennes.

Les Français n’ont aucune intention de devenir les ennemis des Cinq nations, mais ils passent, par inadvertance, un accord avec un autre peuple de langue iroquoianne, les Hurons. Champlain voyage avec les Hurons et passe l’hiver avec eux lorsqu’il explore les Grands Lacs en 1615 et 1616. Les Hurons sont bien au fait de l’avantage que confère le commerce avec les Français ; et les Français voient bien l’avantage qu’il y a à maintenir une distance entre les Hurons et leurs voisins iroquois car ils représenteraient ensemble une grave menace militaire, peut-être fatale, pour la nouvelle-France. À ces considérations banales, il faut ajouter le calcul des âmes, car les Jésuites considèrent les Hurons comme des candidats idéaux à la conversion. Les Français mettent donc une condition spirituelle à leurs échanges commerciaux : les Hurons doivent accueillir les Jésuites, avec leurs robes noires typiques, et ceux-ci doivent être libres de faire du prosélytisme.

Les Jésuites (de leur véritable nom, la Compagnie de Jésus) ne sont pas les premiers membres d’un clergé catholique à parvenir en nouvelle-France. Cet honneur revient aux récollets, arrivés en 1615 et qui, en raison de leur vocation active et de leur penchant à l’austérité, sont les rivaux des Jésuites, plus verbeux, qui ne débarquent qu’en 1625. La reprise par les Jésuites d’une ancienne mission des récollets chez les Hurons en 1634 ne fera rien pour améliorer les relations entre les deux ordres.

Cette rivalité cléricale n’est qu’une fausse note secondaire, quoique amère, dans la mission des Jésuites au Canada. L’entreprise jésuite est planifiée avec soin et accomplie de manière réfléchie. Pour l’essentiel, les Jésuites forment un ordre missionnaire et, dans les années 1620, ils ont accumulé soixante-dix années d’expérience avec leurs missions en asie.

ils mettent bien sûr cette expérience à profit en amérique. Commençant par apprendre les langues autochtones avant d’étudier la culture locale, ils vivent parmi leurs convertis en puissance. il ne saurait être question de convertir de force – les soldats français les plus proches se trouvent à Québec, soit à huit cents kilomètres – mais on prêche par l’exemple, une entreprise pénible et exigeant du temps.

 

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nombre de Hurons refusent de se convertir. Leur culture religieuse est bien établie et ils préfèrent leurs propres shamans aux prêtres français.

Les Français ont cependant un autre argument, quoique dangereux : les maladies qu’ils (entre autres) ont apportées d’europe et qui, dans les années 1630, ont ravagé les peuples iroquoiens de la région des Grands Lacs. si les shamans avaient été efficaces, soutiennent les Jésuites, ils auraient dû empêcher cette épidémie. ils en sont bien sûr incapables – mais les Jésuites également.

À mesure que l’intervention des Jésuites prend forme, les conversions – non pas généralisées mais nombreuses – suivent parmi les Hurons. À un certain moment, on retrouve quinze prêtres en Huronie ; à cette époque, sainte-Marie-au-pays-des-Hurons, la mission principale, est un fort entouré de palissades et abritant une église, des habitations et des maisons longues pour les Hurons convertis.

Pour ce qui est de l’approche de la conversion utilisée par les Jésuites, elle est efficace. s’adaptant aux coutumes des indigènes et parlant leurs langues, les Jésuites renoncent en bonne partie au sentiment de supériorité qui gâche l’attitude des européens à l’endroit des amérindiens.

vu la brièveté de la mission huronne, certaines limites ne seront cependant pas franchies. seuls ou en tant que groupe, les convertis deviennent, dans un certain sens, des pupilles des prêtres, dont il faut certes prendre soin et qu’il faut traiter comme des êtres humains, mais dont on s’attend qu’ils s’établissent dans les communautés agricoles dirigées par les Jésuites. et, à l’exception du Japon, les Jésuites ne confèreront jamais le titre de prêtre à leurs convertis, donnant ainsi la preuve tacite qu’ils ne les considèrent pas comme des êtres égaux3.

Les palissades ne suffisent cependant pas à se protéger des iroquois.

ravagée par la même épidémie qui a décimé les Hurons, la population iroquoise tombe de moitié au moins, perturbant la société, vidant les villages et menaçant l’avenir des Cinq-nations. Chez les iroquoiens, y compris les Hurons, c’est pratique courante que de se servir des prisonniers de guerre pour refaire le plein de population, ce que les iroquois se mettent à faire. si les Hurons en tant que groupe refusent de se joindre volontairement aux Cinq-nations, ils y seront obligés par la force.

il y a déjà eu des frictions, parfois causées par les fourrures et prenant parfois la forme de raids, entre Hurons et iroquois. L’épisode qui se prépare sera toutefois davantage qu’un conflit portant sur le commerce ou des prisonniers. entre 1648 et 1650, les iroquois détruisent systématiquement la nation huronne, tuant les Jésuites qu’ils capturent, ainsi que nombre de leurs convertis, au terme de séances de torture coutumières et horribles.

Mais anéantir la nation ne signifie pas détruire ses membres, qui, capturés, 2 • Terre à coloniser

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sont ramenés en territoire iroquois au sud du lac Ontario et très souvent adoptés et intégrés par leurs ravisseurs. d’autres Hurons, accompagnés de Jésuites, cherchent refuge près des établissements français sur les rives du saint-Laurent, tandis que d’autres encore s’enfuient vers l’ouest, au-delà du lac Michigan. ils y sont rejoints par ce qui reste des neutres, des Pétuns et d’autres nations, elles aussi vaincues, dispersées ou absorbées par les iroquois.

Quelle aurait pu être la tournure des chose si les iroquois étaient restés chez eux et si la Huronie avait survécu sous la tutelle des Jésuites ?

On peut s’en faire une idée en examinant la colonie jésuite des Guarani, en amérique espagnole, qui a connu un sort relativement meilleur ; c’est une enclave sédentaire, agricole, protégée au mieux par les prêtres des déprédations de l’empire espagnol et de ses sujets. Mais il s’agit d’une colonie essentiellement statique, les prêtres occupant le sommet et les convertis le bas de l’échelle. tant les prêtres que les Guarani finiront par être décimés par les forces séculières qui se sont développées à l’extérieur et de manière presque aussi cruelle que celle dont les iroquois ont détruit la Huronie.

en réalité, les Français établissent des refuges pour les Hurons et les autres indigènes refoulés par les iroquois, l’un à L’ancienne-Lorette, en dehors de Québec, et l’autre à Caughnawaga, sur la rive du saint-Laurent, en face de Montréal. Les amérindiens qui y vivent dans un système informel de tutelle religieuse sont nécessairement tous convertis au catholicisme.

Mais ces « indiens dévots » ne sont ni sédentaires ni pacifistes et leur mode de vie est le reflet d’un compromis entre la tradition et la religion. il puise à des sources tant européennes qu’amérindiennes et n’est ni européen ni amérindien, mais un mélange dynamique des deux.

Comme le soulignera l’historien J.r. Miller, les Français ne provoquent pas les guerres qui détruisent la Huronie, bien qu’ils y contribuent de toutes sortes de façons. il y avait des échanges commerciaux et des guerres avant l’arrivée des européens et il y en aura par la suite. La seule adoption des armes à feu ou d’autres marchandises ne change pas fondamentalement la forme de la société amérindienne4.

LA SURViE DE LA nOUVELLE-FRAncE

La destruction de la Huronie ne constitue que le premier acte de la guerre iroquoise qui fera rage pendant soixante ans aux frontières de la nouvelle-France et dans l’arrière pays, où s’effectue la traite des fourrures approvisionnant la colonie. Pendant un certain temps, au début 32

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des années 1650, les iroquois parviennent à isoler la nouvelle-France de l’Ouest, interrompant totalement l’apport de fourrures en provenance des lacs supérieurs (que les colons appellent « le pays d’en haut »), mais avec le temps, les iroquois ne pourront soutenir cet effort.

Finalement, les commerçants indigènes parviennent à rejoindre les Français et, au milieu des années 1650, la traite des fourrures est de nouveau florissante. À cette époque, ce sont les tribus algonquines, surtout les Ottawa, qui apportent les pelleteries, mais les Français ne se contentent pas d’en attendre la livraison. de jeunes gens de la colonie partent pour l’Ouest avec les indiens, optant pour la vie dans les bois et l’adaptation aux mœurs indigènes comme moyen idéal pour réaliser des profits et, bien sûr, connaître l’aventure. On les appelle les « coureurs des bois ». Les pouvoirs en place n’apprécient guère leurs départs réguliers, qui privent sans le moindre doute la colonie d’une main-d’œuvre rare et qui, bien pire encore, donnent un mauvais exemple pour la jeunesse agitée ; en revanche, peut-être l’absence des coureurs des bois fait-elle de la nouvelle-France un lieu plus paisible et ordonné, mieux adapté aux sujets d’un monarque autoritaire.

L’autoritarisme du dix-septième siècle peut être – et est en réalité –

cruel et capricieux, et en tire une bonne partie de sa force. d’autre part, l’autorité est loin, l’atlantique est vaste, et, même en nouvelle-France, les déplacements sont pénibles et ennuyeux. Comme l’apprendront des générations de Canadiens, le pouvoir judiciaire du roi s’arrête à l’orée des bois, au-delà de laquelle s’ouvre un univers très différent. Mais, en fait, à qui appartient le pouvoir en nouvelle-France ? il y a un gouverneur, c’est exact, mais il est nommé par la Compagnie des Cent associés, qui exerce une vague compétence sur la colonie. Cette dernière est davantage qu’une société de pelleteries ; il y a les commerçants en fourrures eux-mêmes et quelques agriculteurs. il y a aussi l’église.

La nouvelle-France est destinée à devenir un monument au catholicisme exclusif. Cette notion revêt un certain sens vu les guerres de religion qui divisent la France au seizième siècle et l’allemagne au dix-septième siècle. Pourquoi s’encombrer de différences religieuses alors que des restrictions simples permettront de préserver l’homogénéité spirituelle de la colonie ?

Mais garder la nouvelle-France strictement catholique ne peut empêcher les conflits religieux ; cela ne fait que la redéfinir. On observe des rivalités entre les ordres missionnaires catholiques : les récollets, les sulpiciens et les Jésuites. il y a les membres du clergé « séculiers », c’est-à-

dire les prêtres ordinaires vivant en dehors de leur ordre. il y a les religieuses, qui s’arrangent pour mener une existence autonome dans une société sinon 2 • Terre à coloniser

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dominée par les hommes. et il y a la question de savoir comment il faut gouverner l’église et quelle incidence cela aura sur le gouvernement.

Contrairement à ce que laisse entendre la légende protestante, le catholicisme français n’est nullement asservi au Pape à rome. La monarchie française garde un œil jaloux sur l’église de France et s’est assurée d’avoir l’autorité sur elle. Les cardinaux, les évêques, les prêtres, les moines et les religieuses sont tous des sujets de la monarchie et se plient plus ou moins à la volonté du roi. rome, pas plus que certains membres du clergé français, ne trouve cette situation agréable.

Petit-fils de protestant, Louis Xiv insiste particulièrement pour garder la main haute sur le clergé français et cela, bien qu’il soit à bien des égards un catholique extrêmement dévot et désireux de protéger et d’élargir le rayonnement de l’église en France et à l’étranger. son expulsion de nombreux protestants français (pas tous cependant) fournit aux colonies anglaises et à l’angleterre elle-même des travailleurs zélés, tandis que l’appui qu’il accorde aux prétendants catholiques au trône d’angleterre contribuera à entraîner son pays dans des guerres qui auront une incidence directe sur l’avenir de la nouvelle-France.

Le représentant le plus direct du catholicisme en nouvelle-France est François de Laval. il représente la section du catholicisme davantage portée à garder ses distances par rapport au roi, ou a s’en éloigner, et à maintenir un maximum d’indépendance pour l’église par rapport au pouvoir séculier. Laval n’est pas nommé à Québec en 1658 à titre d’évêque ordinaire, qui devrait être choisi par le roi et se trouver sous son autorité, mais bien à titre de vicaire général, nommé par le Pape, avec le rang et le statut d’évêque5.

À titre de symbole de son pouvoir et de son statut, Laval insiste sur le fait que, lors des cérémonies religieuses, il précède le gouverneur, au grand dam de ce dernier. Les deux éminences se mettent à se quereller et à manigancer ; il y a donc deux pôles dans la politique coloniale : un pôle religieux et l’autre séculier, le premier détournant son regard du monarque à Paris pour le porter sur un univers situé au-delà des alpes, en italie ; c’est de cette conception transalpine que vient le terme « ultramontain », qui désigne une relation avec le Pape. Cette notion va se révéler bien utile quand le Québec ne sera plus gouverné par le roi de France.

Laval ne se contente pas de questions de préséance. À titre de vicaire général puis d’évêque (il le devient en 1674), il décide de créer un séminaire pour former des prêtres (le séminaire de Québec, cœur de la future Université Laval), ainsi que de nouvelles églises et de nouveaux hôpitaux (gérés par des religieuses). Laval place l’église au cœur même de la société coloniale et ses successeurs et lui exercent un degré de contrôle 34

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inhabituel sur ce qui est publiquement et moralement acceptable. C’est ainsi que même les représentations théâtrales en privé font l’objet d’une étroite surveillance. dans une colonie minuscule, il ne peut y avoir de théâtre public et l’art dramatique est réservé à l’élite instruite ; de fait, il n’y aura pas de théâtre public avant la chute de la nouvelle-France et l’arrivée des Britanniques. dans une affaire demeurée célèbre, l’église intervient pour empêcher la représentation du Tartuffe de Molière, qui s’attaque à la grande hypocrisie religieuse6.

Une histoire du Canada
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