405
majorité des provinces, les services publics sont la propriété de l’état, on fait peu de cas à l’extérieur du Québec de la nationalisation de la Gatineau Power ou de la shawinigan Power. au Québec, cependant, cette initiative est perçue comme un coup porté à l’exclusivité anglophone, qui domine depuis si longtemps l’économie québécoise. Lesage explique à son cabinet qu’il s’agit d’une « libération économique 5 ».
À l’automne 1962, Lesage déclenche des élections sur le thème de la nationalisation et l’emporte, comme il fallait s’y attendre. Les entreprises privées sont nationalisées et intégrées à la nouvelle Hydro-Québec, immense société francophone. Hydro-Québec se révèle être un moyen d’atteindre un but, une partie seulement d’un plan beaucoup plus ambitieux visant à réformer l’économie et la société québécoises. il est maintenant évident que le Québec ne doit pas être « une province comme les autres », mais une entité autonome qui se doit d’être expansionniste et activiste – il s’agit de la seule institution québécoise qui est indiscutablement dirigée par et pour les Canadiens français6. de plus, le Québec doit disposer de sa propre politique industrielle qui, après 1965, sera financée par la Caisse de dépôt et placement du Québec.
Marc Lalonde, qui, à cette époque, est avocat à Montréal, se souvient que rené Lévesque « a commencé à faire des discours en faveur d’une industrie sidérurgique au Québec et a proposé la création de sidbec, qui a par la suite été créée suivant la théorie selon laquelle, d’une façon ou d’une autre, nous devions en avoir une : comme le dit Lévesque, ‘ nous nous devons d’avoir une industrie sidérurgique’’ 7 ». Ce que Lévesque veut dire, c’est que la « nation » du Québec devrait disposer d’une structure industrielle comme les autres nations. en pensée, le ministre a déjà séparé le destin de sa province du reste du Canada.
Comme l’Ontario, le Québec a son industrie sidérurgique, tout comme ses installations de production automobile. elles sont un témoignage du mercantilisme gouvernemental et un signe évident de l’autonomie du Québec face à l’économie canadienne, dirigée par les Canadiens anglais (il faut cependant constater qu’il n’y a pas qu’au Québec que l’industrie lourde exerce une fascination, comme l’indique la création simultanée d’un ministère fédéral de l’industrie). L’histoire de ces industries se révèle assez différente de ce qu’avaient prévu Lévesque et ses idéologues. en fin de compte, sidbec est vendue – non pas aux Canadiens anglais mais aux Chinois – et en 2001, l’usine General Motors de sainte-thérèse fermera ses portes8. L’époque n’est pas la plus propice à l’investissement dans l’industrie lourde et, finalement, il s’avère que le fait d’avoir une ou deux aciéries ne change en rien l’importance nationale du Québec.