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UnE HIsTOIRE dU Canada
Le gouvernement canadien prétend désormais que le traité lui donnait un accès à la mer, et le gouvernement américain soutient le contraire. L’affaire couve pendant un certain nombre d’années, jusque sous l’administration de theodore roosevelt quand, en 1903, elle est soumise à l’arbitrage de six
« juristes de grand renom ».
il s’agit d’un arbitrage peu habituel. il y a trois américains, tous partisans notoires du point de vue américain. il y a deux Canadiens, tout aussi partisans du point de vue opposé, et le malheureux juge en chef britannique, lord alverstone. Comme on s’y attendait, sur presque tous les points, alverstone donne raison aux américains. roosevelt n’a accepté l’arbitrage que parce qu’il était certain d’en sortir vainqueur, ce qui confère au processus l’aspect d’un pantomime tourné au ralenti36.
Laurier est contrarié, peut-être davantage que la solidité de sa preuve le justifie. Prenant la parole à la Chambre des communes en octobre 1903, il laisse paraître ses sentiments : « J’ai souvent regretté, Monsieur le Président, mais jamais davantage qu’en ce moment précis, que nous vivions à côté d’un puissant voisin qui, je crois pouvoir le dire sans être considéré comme inamical à son endroit, fait preuve de beaucoup de cupidité dans ses actes nationaux et est déterminé à tirer le meilleur parti, à toutes les occasions, de chacune des ententes qu’il peut passer37. »
nETTOyER L’ARDOiSE
Le différend frontalier en alaska pourrait être le présage d’un siècle de relations tendues avec les américains, mais ce n’est pas le cas.
Les relations entre le gouvernement Laurier et l’administration roosevelt s’améliorent de beaucoup et, pour la première fois, on peut parler de relations canado-américaines du type intergouvernemental.
roosevelt souhaite être dominant et incontesté mais non désagréable.
son secrétaire d’état, elihu root, adopte la même attitude et obtient une réaction très favorable de l’ambassadeur britannique à Washington, lord Bryce, qui a son propre plan. en gros, la plupart des dossiers de l’ambassade britannique concernent le Canada et les mille et un problèmes inhérents à une frontière longue de quatre mille huit cents kilomètres. recevoir des directives de Laurier est une affaire extrêmement compliquée, qui parfois ne mène à rien.
La première tâche de Bryce consiste à convaincre Laurier de répondre à son courrier en provenance de Washington ; la deuxième, à s’assurer que le contenu de ce courrier soit amical et constructif et non conflictuel. Bryce convainc un haut fonctionnaire canadien, sir Joseph Pope, d’organiser un 10 • explosion eT marasme, 1896–1914