17.
Il nous a fallu environ trois minutes à Chris et à moi pour nous habiller et revenir au Palais. Dans la hâte, je ne lui ai pas fait part de la grande nouvelle.
Selon les critères standard de catastrophe naturelle, ce tremblement de terre était trois fois rien – à moins d’avoir passé les cinq dernières semaines à la poursuite de l’assassin le plus célèbre du pays. La plupart des dégâts se résumaient à des vitrines brisées et à des accidents de la circulation au nord de la ville, mais tandis qu’on se frayait un passage à travers la cohue et la clameur des journalistes dans le hall du Palais, la plus grande nouvelle liée au tremblement de terre crépitait tel un fil électrique dénudé : L’assassin des jeunes mariés est en liberté.
Nicholas Jenks s’était débrouillé pour s’échapper quand le fourgon de police qui le ramenait en prison s’était renversé à l’extérieur de Novato, suite à un carambolage routier en chaîne, causé par la secousse tellurique. Le policier qui le gardait y avait laissé la vie. Les deux autres, à l’avant du véhicule du fourgon retourné, étaient hospitalisés.
On avait improvisé un centre de commandement gigantesque dont Roth en personne avait pris la tête. L’endroit grouillait d’huiles du centre-ville et, bien entendu, de journalistes.
On lança un message à toutes les patrouilles, le signalement et la photo de Jenks furent distribués aux flics des deux côtés du pont. Toutes les sorties de la ville et tous les péages d’autoroute étaient contrôlés ; la circulation fut ralentie au point qu’on roulait au pas. Aéroports, hôtels et agences de voitures de location furent mis en état d’alerte.
Depuis notre traque initiale de Nicholas Jenks, Raleigh et moi, on se retrouvait au centre des recherches.
On a mis aussitôt sa résidence sous surveillance. On a réparti des hommes sur l’ensemble du quartier de la Sea Cliff, depuis la base de Presidio jusqu’à Lands End.
Lors de recherches de ce type, les six premières heures sont critiques. Le hic, c’était de confiner Jenks dans la zone où il s’était échappé, de ne pas le laisser contacter quiconque susceptible de l’aider. Il était sans ressources, sans argent, sans personne pour le recueillir. Jenks ne pouvait pas rester en cavale – à moins qu’il ne soit plus ingénieux que je ne le pensais.
Son évasion m’a abasourdie. L’homme que j’avais pourchassé était libre, mais je demeurais en même temps partagée. Pourchassions-nous l’homme qu’il fallait ?
Chacun avait son hypothèse sur l’endroit où il se dirigeait : la région des vignobles, vers l’est au Nevada. J’avais la mienne. Je ne pensais pas qu’il reviendrait chez lui. Il était trop malin pour ça et il n’y avait rien à gagner là-bas. J’ai demandé à Roth si je pouvais lui emprunter Jacobi et Paul Chin pour vérifier une intuition.
J’ai pris Jacobi à part.
— Il faut que tu me fasses une grosse fleur, Warren.
Je lui ai demandé de planquer devant l’appartement de Joanna Wade à Russian Hill. J’ai demandé à Chin de faire la même chose devant la maison de l’ancien agent de Jenks, Greg Marks.
Si Jenks croyait vraiment qu’on lui faisait porter le chapeau, il pourrait se rendre dans ces deux endroits-là.
Jacobi m’a lancé un coup d’œil comme si je l’expédiais sur une autre enquête de Champagne. L’ensemble des inspecteurs suivait des pistes.
— Et merde, Lindsay... pourquoi ?
J’avais besoin qu’il me fasse confiance.
— Parce que ça m’a paru drôle à moi aussi, ai-je dit, mendiant son appui, que Jenks ait laissé cette veste de smok derrière lui. Je pense qu’il pourrait s’en prendre à Joanna. Fais-moi confiance là-dessus.
Avec Warren et Paul Chin en place, je n’avais rien d’autre à faire que de contrôler les dépêches. Après six heures de recherches, on était toujours sans aucune nouvelle de Nicholas Jenks.