18.
Le lendemain après-midi, j’ai aperçu fugitivement pour la première fois le visage de l’assassin.
Chris Raleigh parlait à des gens qui s’étaient occupés des voyages des victimes. Moi, je vérifiais ceux qui avaient organisé leurs mariages.
Deux sociétés différentes. Pour les DeGeorge, Falbalas. Pour les Brandt, une conseillère à la mode, Miriam Campbell. Rien là qui fasse lien.
J’étais à mon bureau quand le planton m’a passé un appel.
C’était Claire. Elle venait juste de rentrer de Napa où elle avait examiné les corps des victimes avec le coroner du comté.
Elle avait l’air excité.
— Viens ici, m’a-t-elle dit. Vite.
— Tu as trouvé un lien. Becky DeGeorge a-t-elle subi des violences sexuelles ?
— Lindsay, on a affaire à un malade.
— Ils étaient vraiment en train de faire la chose quand on les a tués, m’a confié Claire quelques minutes plus tard quand je l’ai rejointe au labo. On a trouvé des traces de sperme chez Rebecca DeGeorge qui correspondent à celles qu’on a prélevées chez son mari. Et l’examen des blessures a confirmé ce que je soupçonnais. On lui a tiré dans le dos. Le sang de Rebecca a trempé les vêtements de son mari. Elle le chevauchait... mais ce n’est pas pour ça que je t’ai demandé de venir.
Elle m’a fixée de ses très grands yeux et j’ai senti qu’elle allait me dire quelque chose d’important.
— J’ai pensé qu’il valait mieux ne pas ébruiter ça, a-t-elle fait. Moi seule et le légiste de là-bas sommes au courant.
— Au courant de quoi, Claire ?
Dans le labo, j’ai repéré un microscope sur un comptoir et l’une de ces boîtes de Pétri étanches dont je me souvenais depuis les cours de biologie du lycée.
— Comme dans le cas de la première victime, me dit-elle, tout excitée, il y a eu violence sexuelle additionnelle sur le cadavre. Seulement cette fois, c’était beaucoup moins évident. Les lèvres de la vulve étaient normales, comme on le supposerait après un rapport lambda, et il n’existait pas d’abrasions internes comme chez la première mariée. Toll n’a rien vu mais je cherchais, moi, un signe de violence supplémentaire. Et je l’ai trouvé, à l’intérieur du vagin, comme s’il me criait : « Coucou, Claire, attrape-moi. »
Elle a saisi la boîte de Pétri et une pince à épiler, puis retiré doucement le couvercle. Ses yeux pétillaient.
Elle a soulevé un unique poil roux d’un centimètre du récipient transparent.
— Il n’appartient pas au mari ?
Claire a fait non de la tête.
— Regarde toi-même.
Elle a donné une chiquenaude au microscope. Je me suis penchée et, sur l’arrière-plan d’un blanc lumineux, j’ai aperçu deux poils : le premier mince, luisant, brun foncé ; le second court, frisé en forme de faucille.
— Tu as sous les yeux deux prélèvements de Michael DeGeorge, m’a-t-elle expliqué. Le plus long est un cheveu, l’autre un poil pubien.
Puis elle a placé le poil retiré de la boîte de Pétri sur une autre lame de verre qu’elle glissa sous l’oculaire, côte à côte avec les deux autres. Mon pouls s’est mis à battre fort. J’ai cru comprendre le but de la manœuvre.
Le nouveau poil était d’un brun roussâtre et deux fois plus épais que ceux de DeGeorge. Il comportait de minuscules filaments entortillés autour de la gaine. Il appartenait d’évidence à quelqu’un d’autre.
— Il n’est ni crânien ni pubien. C’est un poil de barbe, m’a annoncé Claire, en se penchant par-dessus mon épaule.
Je me suis éloignée du microscope et je l’ai regardée, bouleversée.
On avait retrouvé un poil facial du tueur dans le vagin de Becky DeGeorge.
— Post mortem, m’a-t-elle précisé, pour bien enfoncer le clou.